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Fiche pièce
Attitude Clando



L'AUTEUR
Niangouna Dieudonné



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L'agenda du moment autour de la personne/l'oeuvre

 

 
 
 
       
       
       
Attitude Clando
Niangouna Dieudonné

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Sarah Megard, étudiante Univ. Paris 3, SeFeA


  République démocratique du Congo
2007
Éditions Cultures France
 
Genre
Drame

Nombre de personnages
1 homme


Longueur
14 pages


Temps et lieux
En France à notre époque

Thèmes


Mots-clés
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Le texte est un monologue. Un clandestin désigné comme "le clando" s'adresse au public tout en réfléchissant à haute voix pour révéler au fur et à mesure du texte la situation dans laquelle il se trouve. Le clando est posté devant les murs blancs, encerclés de barbelés, d'un bâtiment d'enfermement d'où il s'est échappé. Il avait été emprisonné suite à une rixe violente avec son seul ami, un motard jaloux de la relation entre sa femme et le clando. Au terme de cette bagarre, le clando se retrouve avec un œil en moins et un tibia esquinté, et le motard avec un testicule arraché.
Après son évasion, le clando reçoit une lettre du motard, lui aussi emprisonné, qui lui demande de l'aider à mourir car il ne supporte pas d'avoir été amputé d'une moitié de sa virilité. Le clando se procure un revolver mais au moment de franchir les "murs blancs" de la prison pour tuer son ami, une sorte de paralysie le cloue au pied du mur. Tous les souvenirs de son enfance, de son errance, d'incarcération et de mauvais traitements subis défilent dans sa tête. Nous comprenons que son vagabondage fait suite à la guerre et au traumatisme vécu avec des médecins.
Alors que le clando s'interroge sur sa relation au motard, une sirène retentit, annonçant la mort de celui-ci. Une deuxième sirène annonce que sa propre évasion a été découverte. La femme du motard arrive, sortie des murs où elle avait été elle aussi emprisonnée. Elle aurait tué le motard puis se serait échappée en se blessant sur les fils de barbelés. Les deux fugitifs partent ensemble, détournent un bus et tuent les passagers. Le monologue s'achève sur un coup de feu.

 
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Parcours dramaturgiques

Une temporalité de l'urgence
Le monologue est composé d'une suite de paragraphes qui suivent les pensées du clando comme s'il se parlait à lui-même. La situation se dévoile au fur et à mesure que le texte avance par bribes d'événements que le spectateur est amené à reconstituer. L'action, relatée à la première personne, se déroule dans une immédiateté. La densité du texte, le rythme de la phrase révèle l'urgence de raconter ce qui s'est passé. Dans l'écriture, le débit est cadencé, aéré par des lignes ou des indications comme le bruit des sirènes. Ce débit incessant crée un rapport d'intimité entre le spectateur et le clando comme si leurs rythmes cardiaques s'alignaient l'un sur l'autre dans l'immédiateté du présent du discours.

Dans ce débit rapide de paroles, le spectateur décèle l'annonce d'une catastrophe (le coup de feu final). Plus la pièce avance, plus la situation se densifie. De l'évocation des choses, du flux des pensées, on passe à la réalité de l'ici et du maintenant du personnage.



Dramaturgie du traumatisme
Le monologue débute par une adresse à un docteur qui revient tout au long du texte. La progression dramaturgique de la pièce se fait par une alternance de passages concernant la situation présente et des évocations du passé plus ou moins proche. Ces souvenirs souvent douloureux sont toujours adressés au docteur invisible, symbole complexe du danger, de la rivalité et du " mec réglo ". Le clando se présente quant à lui en opposition à ce " mec réglo " :

" Neuf mois sur douze suis dans votre baraque, docteur, et personne ne se soucie de me demander comment se porte mon tibia et mon œil de pirate, personne ne m'attrape par les reins pour esquisser avec moi une petite rumba bien gentille qui ne fait pas de mal aux vertiges, personne ne m'a demandé mon nom jusqu'alors et pourtant je continue à vous appeler docteur parce que vous portez des blouses et des verres ronds sur les paupières et que vous savez caresser les lions pour attaquer les agneaux, personne ne me regarde, que je montre ma langue ou me gratte les manières. […] J'étais nu, la boule à zéro, et vous me rinciez tendrement avec un tuyau d'eau chaude pour tuer les microbes. "

D'autres motifs (murs, motos) apparaissent au fil du texte, révélant les traumatismes subis. " Mais tant qu'à faire, je frappais sur les escaliers un putain de silence, je hurlais aux choses dans les couloirs déserts qu'il fallait déchirer ce putain de silence, mais j'ai pas touché aux murs, docteur, je respecte les murs, ma mère m'a pondu dans le respect des murs et elle est morte en voulant protéger un mur d'église. […] Mais Dieu seul sait que je déteste les motos, madame motard, croyez-moi. Ma sœur s'est faite écrasée par une moto en 86 et les médecins n'avaient rien dit. "

Les douleurs de la clandestinité s'expriment à travers les traumatismes et le rapport au médecin. Le clando dévoile dans son discours des parties très intimes de son vécu, des expériences très personnelles qui sont liées au passé et à la situation actuelle. Est révélée la présence permanente et présente des traumatismes enfouis mais pas oubliés. La mémoire du corps est la mémoire de l'âme, et réciproquement.


Les mots de la liberté
Si la pièce de Dieudonné Niangouna traite de la clandestinité, elle est aussi une ode à la liberté. Dans le monologue du clando, ce n'est pas la situation de clandestin, d'apatride qui est mise en cause, mais plutôt la façon dont elle est perçue par les autres, et notamment par le docteur. Son discours est celui d'un homme libre qui ne doit rien et ne demande rien à personne. Il parle librement de sexe, de mort, de son enfance, et critique les clichés sociaux. A aucun moment, il n'exprime la peur d'un homme traqué ou l'angoisse d'être clandestin.

Cette liberté se ressent également dans l'écriture. Le style de Dieudonné Niangouna déjoue les conventions : les phrases sont parfois sans verbe, longues, incorrectes grammaticalement. Le langage utilisé, familier, celui de la rue, parfois même grossier, inclut des expressions congolaises et détourne les expressions idiomatiques françaises : " Je vous interdis de rentrer dans ma vie brisée ", " Mais vous vous êtes blessée en jonchant le mur ", " Mais est-ce qu'il n'a pas fait la deuxième connerie mondiale ? ", " Ça ne leur coûtera pas un pénis ". Déroutants au premier abord, le style et le texte de Niangouna invitent en fait à écouter attentivement le dilemme d'un homme pris entre " la liberté innée " et " la clandestinité acquise ".


La construction de la fable à travers l'adresse
Le discours du clando évoque tour à tour le passé et le présent immédiat. Ces allers-retours temporels permettent aux lecteurs et aux spectateurs de comprendre peu à peu la situation : ce sont des adresses différentes à des personnes extérieures qui permettent de construire la fable. Le docteur reste le principal destinataire mais le motard et sa femme sont aussi interpelés.

" Non, camarade motard, ne me demande pas de tuer, ça demande des idées […] Alors t'as qu'à sauter le mur comme moi ce matin. "

" Bon sang, madame ! A quelle heure vous êtes-vous évadée ? Vous avez donc assisté à sa mort, madame ? C'est clair, je vois… "

Les personnages qui peuplent l'histoire du clando sont ceux à qui il s'adresse. Ce processus permet au spectateur de se sentir lui aussi interpelé, impliqué dans cette situation qui se construit sous ses yeux.

 
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Pistes de lecture

Clandestinité et liberté
La question de la clandestinité est au cœur de ce texte dit par un homme qui parle librement. Aussi, cette situation interroge ce titre de " clandestin " : qui décide de la clandestinité d'un autre ? Qui peut savoir à quel pays on appartient réellement ? Quelles frontières peuvent exister pour quelqu'un qui n'a pas de pays ? La vraie liberté n'est-elle pas justement cette non appartenance à quelque patrie que ce soit.

" Suis hors pair, hors marge ni dans la page, hors périmètre, suis pas à la surface, inachevé, fort à mon aise. Je ne pue même pas le tordeur de la loi. Mais le rien à foutre. "

L'amitié et le respect
La relation entre le clando et le motard est ambiguë. Ils se battent non seulement à cause d'une femme, mais aussi à cause de la perte de confiance du motard envers le clando. Malgré cette rixe violente, l'amitié qui les unit fait que le motard demande au clando de l'achever. Le clando se retrouve alors devant la difficile décision de faire ou non ce geste pour un ami.

" Alors, qu'est-ce que je fais ? Ce type m'a tendu la main plusieurs fois quand j'étais dans la géhenne. Peux pas le laisser crever comme un sans-couilles. "

La vie et la mort
La vie et la mort apparaissent sous plusieurs angles dans la pièce. Le motard désire mourir après avoir perdu un testicule, ce qui pose la question du corps, de la validité et de l'invalidité, de la tentation du suicide. " Ca y est !... Il s'est suicidé le motard […] Hé goujat ! Et ta femme, qui va lui chauffer le trou ? T'as pensé à ça avant de faire ta connerie ? ".

La mort aussi plane sur le discours du clando, sorte de revenant dont la voix remonte d'outre-tombe comme un témoignage. Lorsqu'il évoque son pays, c'est la mort qui surgit : " Couper mon pays c'est me tuer. J'ai pris mon sac à dos, puisque j'étais mort, et je suis parti. "

La vie et la mort sont aussi liées dans les allusions récurrentes aux hôpitaux et aux supposés soins qui ne guérissent pas forcément, qui n'apportent pas l'aide escomptée. " Par contre, vous, tout ce que vous m'avez donné, c'est une odeur de vieux médicaments et des traces de plaies, et aujourd'hui ça me ressemble tout bêtement. […] Les médecins l'ont foutu des morphines, lobotomisé à 90 degrés, fins des fins, le motard a lâché le morceau. "

 
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De plain-pied dans le texte

Il me demande pardon comme si je lui ai marché sur les pieds. Suis pas un éléphant, je ne vous écraserai pas même si vous me demandiez pardon.
N'ayez pas pitié de moi, je ne supporte pas la pitié. J'avais faim et je cherche du piment fort, le piment ça m'invente bien.
Ma maman m'avait planté un pimentier dans la cour de notre maison, là-bas, au pays, à l'époque où c'était encore un pays. Personne ne touchait à ce pimentier, il était d'une nervosité correcte, moi, il me reniflait tout amicalement, il caressait ma langue et attendrissait mes nerfs : c'est ça mon pays. Mon pays, c'est le piment. Et maintenant je ne peux pas envoyer de l'argent au pays parce qu'ils ont coupé mon pimentier. Ca m'a saoulé. Couper mon pays, c'est me tuer. J'ai pris mon sac à dos, puisque j'étais mort, et suis parti.
Vous êtes sûr que vous n'avez pas de piment, docteur ?
Même un petit piment, juste une noix. Je ne peux pas aller au supermarché et faire la queue. Moi ce que j'aime pas c'est faire la queue et que la dame au guichet sache combien je vais payer. Parce que votre valeur se trouve dans la poche, et qu'on se résout toujours au prix qu'on paye. Mais moi j'avais pas envie d'avoir un prix, alors j'achète presque rien, comme ça, n'y a pas de facture et la machine n'a pas gardé mon prix dans sa boîte. Je n'ai que dix balles. C'est mon assurance vie et connerie. (pp.144-145)

 
 
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Pour poursuivre le voyage


Du texte à la scène
Pièce mise en scène par Eva Doumbia, créée au festival Brûlots d'Afrique au théâtre Antoine Vitez à Ivry sur Seine en 2005, puis jouée au festival Mantsina sur scène de Brazzaville en décembre 2006.
Mise en scène et jouée par Dieudonné Niangouna au festival d'Avignon au jardin de la rue de Mons en juillet 2007 et au théâtre Expression 7 de Limoges en octobre 2007.

Bibliographie
Fanny Leguen, " Un effacement du corps frontière pour tenter de raconter. Attitude Clando écrit et mis en scène par Dieudonné Niangouna ", Africultures, " Festivals et biennales d'Afrique : machine ou utopie ? ", nº 73, 2008, pp. 180-183.


Sylvie Chalaye, Entretien avec Dieudonné Niangouna, " Le rêve seul permet d'envisager l'avenir ", Ouagadougou 2004.

http://www.africultures.com/php/?nav=article&no=3837


Amélie Thérésine, Le Théâtre de Dieudonné Niangouna. Corps en scène et en parole, Châtenay-Malabry, Acoria Éditions, 2013.

 
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Fiche réalisée par Sarah Megard, étudiante Univ. Paris 3, SeFeA

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