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Fiche pièce
Concours de circonstances



L'AUTEUR
Pliya José



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Concours de circonstances
Pliya José

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Adeline Fournal et Delphine Rohmer, étudiantes Univ. Paris 3, SeFeA


  Bénin
1996
L'Harmattan, collection "Théâtre des Cinq Continents"
 
Genre
Comédie

Nombre de personnages
2 femmes
1 homme


Longueur
1 acte


Temps et lieux
Une nuit dans une chambre d'étudiant de nos jours

Thèmes


Mots-clés
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Étudiant en philosophie, Christian écrit des pièces de théâtre la nuit dans sa chambre. Il est l'auteur de dix pièces mais n'est satisfait d'aucune et ne compte pas participer au Grand Concours Théâtral que lui propose son amie Joëlle, étudiante en médecine, sa confidente, son admiratrice qui l'a suivi et encouragé dans son parcours d'écrivain depuis dix ans. Au beau milieu de la nuit, alors qu'il est en pleine écriture, surgit une créature sortie de nulle part : c'est l'héroïne de sa dernière pièce venue plaider sa cause et celle des autres personnages de la pièce (le pasteur et le professeur) pour les laisser participer au concours de théâtre. Christian fait valoir sa volonté d'auteur et leur refuse farouchement cette liberté de pouvoir décider à sa place de ce qui est bon pour eux. L'affrontement se transforme en jeu de séduction : danse, enlacement, baiser avec la femme rebaptisée Rimbaldiana qu'il ne veut plus quitter. Ils s'apprêtent à s'enfuir lorsque Christian est rattrapé et mis à mort par les deux autres personnages sortis à leur tour du manuscrit. Joëlle découvre le corps de son ami et trouve une lettre lui demandant de brûler toutes ses pièces.

 
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Parcours dramaturgiques

Un huis clos nocturne
Cette pièce respecte l'unité de lieu et de temps. L'action se déroule dans un espace restreint, la chambre d'étudiant de Christian, banale avec son modeste bureau, son frigo, sa chaîne Hi-Fi, son lit, son téléphone, son canapé, sa bibliothèque surchargée de livres et son coin cuisine. Deux détails retiennent notre attention : le portrait de Rimbaud et la machine à écrire qui laissent penser que nous sommes dans la chambre d'un jeune écrivain. Cette chambre est un huis clos où se dessinent d'autres espaces délimités par une "lumière triste", celle d'une lampe de table, et une lumière plus forte venue du plafond qui s'allume chaque fois que Joëlle fait irruption dans la pièce. Nous sommes ainsi dans l'entre-deux où se rencontrent dedans et dehors, fiction et réalité, espace physique et psychique. Le personnage de Joëlle fait le lien entre ces deux espaces par des va-et-vient entre la chambre de Christian et le monde extérieur, tandis que la chambre représente l'espace mental fermé du cerveau de jeune écrivain en proie à ses désirs et sa folie.


Hallucinations ou théâtre fantastique
La doute plane dans la pièce sur la réalité de la scène : Christian, étudiant insomniaque qui boit et fume, a-t-il des hallucinations ou bien la créature qui le visite existe-t-elle ? Le jeune homme a des doutes sur sa propre santé mentale : "C'est pas croyable… j'ai des hallucinations… trop de bière… je rêve…" (p. 140). Les circonstances sont propices à l'apparition surnaturelle : il est une heure du matin et Christian est seul dans sa chambre. Une voix féminine se fait entendre qui demande qu'on croit en elle pour finalement apparaître. Pliya multiplie les phénomènes paranormaux et brouille la frontière entre réalisme et surnaturel : la porte de la chambre se verrouille toute seule ; la lumière s'éteint sans raison et la femme apparaît soudainement sous le lit. Cette apparition a lieu dans l'obscurité où le manuscrit qui sépare Christian de sa créature devient le "ci-gît" selon Michel Serres, à savoir "le lieu du passage et site de la possible apparition". Le personnage de la femme s'incarne, surgit de l'imagination de Christian mais désormais en chair et en os. Si les autres personnages masculins n'apparaissent pas sur la scène, ils sont néanmoins présents et incarnent l'instruction, la religion, la justice et sont investis d'une "mission prométhéenne". Ils interviennent finalement physiquement pour mettre à mort l'auteur qui a décidé de passer de l'autre côté de la frontière pour suivre sa créature.
L'arrêt cardiaque, constaté par Joëlle à la fin de la pièce, est-il la manifestation d'une mort naturelle ou bien d'un meurtre ? L'attirance de Christian pour sa créature le conduit à sa perte puisqu'il se consume dans la plénitude. La femme devient symbole de libération et d'un avenir plus serein dans la disparition.

 
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Pistes de lecture

Musicalité
La musique de Schubert ("Les impromptus") vient rythmer le temps tout en signalant la quête d'inspiration du jeune auteur. Elle revient en boucle comme un refrain qui rythme l'action. À cette musique de Schubert s'ajoute celle de l'écriture de Pliya qui déclare : "Mon travail sur la langue […] est un travail de musicien. À chaque fois que j'ai une pièce à écrire, j'essaie de trouver la juste voix, la juste musique des personnages." Le texte présente de nombreuses répétitions de phrases, de mots, de sonorités qui donnent un rythme à la langue et contribue à créer un univers magique, irréel. La scène d'amour entre Christian et sa créature Rimbaldiana est à ce titre très lyrique. Notons que les claquements de porte, les entrées et sorties successives des deux personnages féminins donnent aussi vie à l'espace conçu comme un ballet chorégraphique.

Illusion et désillusion
Les personnages chez Pliya ne sont que des êtres de papier et tout est jeu. Nous croyons être dans la réalité mais nous sommes dans l'illusion. On assiste à une mise en abyme de l'écriture et du processus de création dans cette pièce où Christian est face à ses personnages sortis vivants des pages où il les avait enfermés. José Pliya nous livre dans cette pièce ses conceptions personnelles du théâtre, nous donne des clés sur le processus de création à travers le personnage de Christian, double de l'auteur. Il définit le "vrai personnage" comme "un personnage pleinement imaginaire auquel nul ne peut s'identifier ; un personnage flou, indéfini, désincarné […] Des personnages purement fonctionnels au service d'un véritable drame. Voilà l'alchimie de la vie." (p. 154) Cette définition correspond aux personnages de cette pièce qui sont bien souvent des personnages archétypaux (l'écrivain en herbe en mal d'inspiration, l'amie dévouée, la créature séductrice et maléfique).
La femme donne les clés de l'écriture de Pliya et de son rapport à ses personnages : elle distingue les "personnages factices" (définis très précisément) des "vrais personnages". Mieux vaut être un personnage moins défini, circoncis, plus hermétique pour échapper à l'incarnation sur scène. Les vrais personnages sont "issus de drames que les acteurs trouvent hermétiques, n'ayant pas de contours définis et n'offrant aucun repère concret" (p. 159) et sont délaissés par les metteurs en scène et comédiens. Les personnages ainsi se battent contre leur auteur pour empêcher celui-ci de les définir : "Se battre pour t'empêcher de nous définir, de nous donner visages, gestes, ton juste, attitude, âge, manières ! Lutter pour demeurer purement imaginaires ! Lutter pour qu'enfin le drame que tu nous lègues soit un vrai drame touchant à la condition humaine." (p. 160). C'est en restant flous qu'ils pourront être joués et ainsi mourir pout accéder à l'éternité. "Lorsqu'un comédien joue […] un vrai personnage, il lui donne instantanément la mort et le fait accéder à l'éternité, la vraie !" (p. 160) dit la femme. Christian fait finalement le constat de "l'impuissance totale et éternelle" du créateur et dit avoir "compris, comme une révélation, que le théâtre n'est pas la vie, le théâtre ne sauvera pas l'humanité, qu'il est un égarement, une chimère, que lui aussi est impuissant parce que limité dans le temps de la représentation" (p. 184).
Dans un entretien accordé à Sylvie Chalaye, José Pliya déclare que "Pirandello a été [s]on modèle. Ce n'était pas une imitation stylistique ou linguistique, c'était une imitation thématique. Ce qui [l]e fascinait chez Pirandello, c'est cette manière de faire intervenir les fantômes du théâtre, comme il réussit à faire passer une transcendance, qui est quasiment africaine." (Le Syndrome de Frankenstein, 2004, p. 93). Pliya semble souscrire à l'idée que les personnages ont une vie propre, indépendance, une liberté qui échappe à l'auteur, et que ce sont eux qui guident l'auteur, qu'ils sont autonomes et ont une vie à part entière, séparée de celle de leur créateur. L'auteur qui n'écoute pas ses personnages est menacé… et risque la mise à mort.

L'écrivain face à l'Afrique et au père
Les pièces de Christian ont des titres qui évoquent la mythologie africaine. les épopées historiques, mais aussi la politique, l'engagement social, autant de thèmes qui rappellent le théâtre de son père Jean Pliya et de ses contemporains, les promoteurs d'un théâtre didactique visant au développement de l'Afrique. En brûlant ses manuscrits, Christian marque son opposition à ce théâtre pour affirmer son indépendance et permettre de nouvelles formes d'expression. Cet autodafé prend ainsi une valeur sacrificielle et purificatrice. Ce qui intéresse Pliya, c'est l'être humain, l'amour, l'écriture.

 
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De plain-pied dans le texte

LA FEMME : … Christian que nous arrive-t-il ?

CHRISTIAN : Je ne sais pas. Tu me touches et je suis fiévreux, tu m'enlaces et je tremble. Que me fais-tu ? Pourquoi consumes-tu mon cœur ?

LA FEMME (l'enlace complètement) : Je ne sais pas… je n'ai jamais connu ça… Je vois le ciel perlé…

CHRISTIAN : Les mers de corail…

LA FEMME : Des saphirs aux flancs des volcans…

CHRISTIAN : Et ce rai de feu qui descend des nuages.

(Ensemble)

LA FEMME : Dans tes yeux…

CHRISTIAN : Dans tes yeux…

LA FEMME : Serre-moi fort ! Plus fort ! Plus fort que la mort !

CHRISTIAN : Dans tes yeux…

LA FEMME : Touche-moi…

CHRISTIAN : Dans tes lèvres…

LA FEMME : Caresse-moi…

CHRISTIAN : Dans ta chair…

LA FEMME : Embrasse-moi…

(Ils s'embrassent langoureusement, longuement. Ils restent enlacés.)

CHRISTIAN (dans un murmure) : Comment ça s'appelle ce qui nous arrive ?

(pp.169-171)

 
 
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Pour poursuivre le voyage


Du texte à la scène
Concours de circonstances a été créée pour la première fois le 13 mars 1996 dans le cadre du 11e festival du spectacle vivant organisé par Action Culture à l'Université de Lille 3. La pièce a obtenu le Grand Prix.
Elle a ensuite été jouée du 13 mars 1996 au 14 juillet 1997 à Villeneuve d'Ascq.
Mise en scène de José Pliya et sa compagnie Rimbaldiana.
Distribution : José Pliya, Maddalena di Caro, Karine Rickeboer

Bibliographie
Stéphanie Bérard, Le Théâtre-Monde de José Pliya, Paris, Éditions Honoré Champion, 2015.

Sylvie Chalaye, "José Pliya : inventer sa langue", in Sylvie Chalaye, Afrique noire et dramaturgies contemporaines : le syndrome Frankenstein, Paris, Éditions Théâtrales, 2004, p. 91-94.

Émile Lansman, Écrire sur le fil ténu des frontières… Entretien avec José Pliya, Éditions Lansman, coll. "Chemin des passions", 2011.

 
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Fiche réalisée par Adeline Fournal et Delphine Rohmer, étudiantes Univ. Paris 3, SeFeA

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