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Fiche pièce
Mélancolie des barbares (La)



L'AUTEUR
Kwahulé Koffi



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Mélancolie des barbares (La)
Kwahulé Koffi

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Sophie Caffarel, étudiante Univ. Paris 3, SeFeA


 
2009
Lansman, collection "Urgence de la Jeune Parole", Carnières-Morlanwelz, 2009. Éditions Théâtrales, Montreuil 2013.
 
Genre
Drame

Nombre de personnages
3 femmes
4 hommes
Une bande de garçons et de filles au nombre indéfini

Longueur
10 tableaux
75 pages


Temps et lieux
XXIe siècle, une cité suburbaine

Thèmes


Mots-clés
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

La Mélancolie des barbares tient le lecteur/spectateur en haleine par un rythme soutenu : dix séquences pour raconter des histoires d'amour impossible, d'entretiens d'embauche pervers, de viols, de meurtres, de manipulation, de vengeance.
Pourquoi Baby Mo a-t-elle épousé un homme plus vieux que son père ? Comme elle le dit elle-même : "[...] un homme au passé incertain qui m'a contrainte à mettre ma vie sous l'autorité du voile et à bien d'autres choses que vous êtes loin de soupçonner [...]" (p. 42). Parce que c'est un homme de pouvoir : c'est le komissari de la cité. Mais n'est-ce pas aussi parce que Zac, celui qu'elle aime, a des désirs qui ne sont pas ceux d'un homme adulte ?
Depuis la mort de son père, si Zac se sent responsable de sa mère et de Lulu, sa sœur, c'est un rôle qu'il peine à assumer. Il n'a pas de travail et pour subvenir aux besoins de la famille, il sert d'intermédiaire dans un trafic de drogue. Seule Baby Mo connaît l'Africain, le fournisseur. C'est elle qui transporte la drogue chez Zac. C'est sa manière de l'aider. Elle continue ainsi à le fréquenter. Jusqu'au jour où Zac lui dit qu'il ne veut plus la voir, Pourquoi ? Parce que le mari de Baby Mo est devenu un père pour Zac : "C'est par sa grâce que je me suis rangé du côté de la lumière. Il est ma rédemption..." (p. 66). Après avoir été rejetée par Zac, Baby Mo retrouve son mari qui lui demande avec insistance (il appuie un pistolet sur sa tempe) ce qu'elle a fait de sa journée. Elle lui ment en lui racontant que Zac et ses copains l'ont "salie".
Sur le conseil de Baby Mo, le Komissari décide de régler cette affaire d'homme à homme. Il entraîne Zac au bord du fleuve et lui tire une balle dans la nuque. Entre temps, Baby Mo a prévenu toutes les autorités de la cité des intentions de son mari. Ces témoins du meurtre décident de punir celui qui a violé la loi de la cité : "La loi refuse qu'on tire sur quelqu'un qui a le dos tourné..." (p. 82). Le mari de Baby Mo sera ligoté et traîné derrière un pick-up jusqu'à ce que mort s'ensuive.

 
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Parcours dramaturgiques

Une manière de thriller théâtral
La Mélancolie des barbares comporte tous les éléments d'une intrigue policière : un flic, des délinquants et leurs méfaits, de nombreuses énigmes à élucider. Ce n'est pourtant pas une "pièce-machine" au sens où l'entend Michel Vinaver, à savoir une pièce "dont le système de tension repose sur une intrigue centrée, unitaire ou sur un problème à résoudre" (in Écritures dramatiques, Arles, Actes Sud, 2000, p. 43.) Il y a de nombreux monologues intérieurs qui donnent certes des indices sur l'état psychologique des personnages mais ils ont souvent la particularité d'être incantatoires, d'énoncer une vérité absolue ou de rappeler la loi divine ou celle de la cité. Si la parole met parfois en place des morceaux du puzzle de l'histoire, elle ne répond presque jamais directement au besoin d'un enchaînement de causes et d'effets. Bien au contraire, plus nous avançons dans le récit, plus celui-ci se diffracte, s'opacifie. Nous nous enfonçons toujours plus profondément dans la violence d'une société dérangeante aux lois barbares et radicales.
Le texte ne contient aucune didascalie, aucun tiret, aucun nom de personnage en début de réplique. On devine au cours de la réplique qui en est le locuteur. Cela donne ainsi une certaine fluidité en l'absence de changement typographique. Nous passons d'une réplique à une autre, progressant avec les personnages dans la découverte de ce qu'ils sont, de ce qui advient d'eux. En même temps que les personnages, nous sommes surpris par les virages de l'action, action induite par la parole.

Une voix qui engendre
Dans la première séquence de La Mélancolie des barbares, un homme cherche sa femme : "Baby Mo, vous ne l'auriez pas vue ?... Ma femme ?" (p. 15). La voix de cet homme s'adresse à un groupe de personnes qui ne répond pas. La voix menace, malmène, puis congédie tout le monde, sauf une personne : Zac. Dans cette scène d'exposition, la voix de cet homme utilise sept fois le verbe voir : "vous ne l'auriez pas vue ?", "je vois", "voyez-vous même", "je peux voir", encore "je vois", "vous avez vu", "vous voyez". En effet, la voix convie le lecteur à assister à la naissance d'un groupe de personnages indistincts, quelque peu fantomatiques mais bel et bien présents. À l'instar de Dieu, cette voix crée l'espace, le temps, les personnages en les nommant. La voix du mari de Baby Mo continue : "Prête oreille au son de mes paroles Zac [...]" (p. 15). C'est alors en sollicitant le sens de l'ouïe que la voix donne naissance à un personnage qui écoute, celui de Zac.
Contamination de la parole
À la fin de la pièce, le personnage de Zac, loin de manifester ce qui lui est propre par la parole, signale, tout au contraire, une disparition de sa propre pensée, une expropriation dictée par des influences extérieures. En effet, sa parole est contaminée par celle du komissari qui, elle-même est contaminée par des citations entières empruntées à la Bible. Baby Mo se rend parfaitement compte de cette contamination quand elle demande à Zac : "D'où te sortent ces mots-là, Zac ?" (p. 66). Baby Mo comprend et manie à merveille cette langue qui lui permettra de rétorquer à son mari : "Ce n'est plus à toi de juger et de proférer des imprécations, mon doux mari." (p. 87). Ses agissements, en effet, prouvent qu'elle a parfaitement assimilé les paroles de son mari et qu'elle est, à son tour, capable de porter des jugements.

 
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Pistes de lecture

Au nom du père
Dans la séquence "Comme si papa avait été là", on comprend le rôle que Zac s'est chargé de jouer : "Mais moi, j'ai à vous protéger, à faire que vous ne manquiez de rien. Comme si papa avait été là." (p. 26). Depuis la mort de son père, Zac est écrasé par cette responsabilité. Avant toute chose, il lui faut un père pour l'aider à grandir. Il trouve précisément une figure paternelle dans le mari de Baby Mo. Cette relation est ambiguë et dangereuse car Zac aime Baby Mo et en est aimé. Il lui faut donc choisir entre l'élan immature et sensuel qui le porte vers elle et la conscience de la loyauté qu'il doit au komissari et qui constitue la clé de son avenir. À l'image de Dieu le père, régnant sur la terre comme au ciel, le komissari règne sur la cité et ses jeunes citoyens.
De plus, sa sœur Lulu n'accepte pas que Zac soit le chef de famille : elle veut s'émanciper d'une autorité à laquelle elle ne croit pas. Elle aurait tant désiré que son père soit fier d'elle. Elle va tout tenter pour travailler dans la même entreprise que lui, comme lui, en tant que convoyeur de fonds : elle est prête à sacrifier sa propre identité au nom de son père. Elle échouera dans cette tentative et se placera finalement sous l'autorité de son frère qui lui-même est sous l'autorité du mari de Baby Mo.

Parabole de la trahison de Judas
Avant de mourir, Zac confesse au mari de Baby Mo : "Je lui ai dit de s'en aller, mais, en souriant, elle m'a posé un baiser au coin des lèvres, et son baiser était de la même glace que celui que Judas l'Iscariote apposa sur le front de l'Agneau." (p. 81). Il s'agit de la première trahison de Baby Mo : elle envoie à une mort certaine l'être qu'elle aime. Certes, elle a été rejetée par ce dernier. Mais nous apprenons lors de la dernière séquence que la raison de cette trahison ne procède pas d'un simple désir de vengeance. Elle sacrifie Zac afin de libérer la cité de l'autorité toute puissante du komissari. Forte de l'enseignement qu'elle a reçue de lui, "c'est donc avec la prudence de la mangouste pour attirer le cobra hors du terrier" (p. 16) qu'elle tend un ultime piège à son "doux mari". "[...] Pourquoi tout ceci, Baby Mo... ce désastre ?... Mais pourquoi ?..." (p. 87) se lamente une voix que l'on peut attribuer au komissari. Ce sont les derniers mots qu'il prononce et la première fois qu'il semble connaître le doute.
Ce complot, cette dernière trahison de Baby Mo montre combien elle est capable de manipuler les autorités en place. Pense-t-elle ainsi pouvoir instaurer un nouvel ordre de valeurs ? Peut-être son désir d'ascension sociale ne pouvait-il s'assouvir réellement qu'à ce prix ? Son mariage avec le komissari n'était-il qu'une première marche dans l'ascension au sommet de la hiérarchie sociale ?
Ajoutons qu'elle ne sera pas condamnée comme Judas à subir la haine éternelle. "Les autorités de la cité, le procurateur, le sénateur, le maire, l'assemblée des Jurés" (p. 83) ne connaissent pas son forfait. Personne ne sait qu'elle a menti et poussé son mari à ce crime. Elle ne s'explique d'ailleurs pas entièrement sur sa trahison et ses mobiles explicites : elle est l'instrument d'un dessein qui la dépasse.
Pourquoi Zac la compare-t-il alors à Judas ? Si Zac est une possible variation de la figure du Christ, cela implique qu'il sait à l'avance ce que Baby Mo fera. Dans ce cas, Baby Mo remplit sa mission ingrate, comme Judas accomplit la sienne, afin que la volonté de Dieu soit faite, autrement dit, pour que le père puisse sacrifier le fils afin de sauver les hommes, conformément à ce qui est écrit.

 
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De plain-pied dans le texte

Nous sommes des lucioles qui n'ont pas encore aimé
"Ton mari m'a expliqué, comme à un fils, que c'est l'amour qui fait scintiller les lucioles ; que nous aussi, si nous atteignons un certain degré d'amour, nous nous mettons à être lumineux, que les autres verraient l'amour briller en nous, exactement comme les lucioles, car nous sommes des lucioles qui n'ont pas encore aimé. Et là, cette nuit, sur la rive droite du fleuve, l'éclair d'un battement de cils, je me suis senti comme lavé, c'est cela Baby Mo, lavé de toutes les iniquités de ma vie. Et rempli d'amour... Les mâles cesseront de scintiller les premiers ; les femelles scintilleront encore quelques heures, le temps d'assurer la descendance. En quelques jours, les lucioles ont accompli la loi : aimer. Elles peuvent donc, puisqu'il n'y a plus rien d'autres après l'amour, retourner à la source de toute chose. En revenant de la rive droite du fleuve, j'ai eu envie de mourir pour toi, Baby Mo. Je voudrais tellement scintiller pour toi, mais je ne suis que moi... Je ne suis que Zac... Et je ne le peux pas... Je ne le peux pas... Je ne le peux pas...".

(Page 35)

 
 
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Pour poursuivre le voyage


Du texte à la scène
- La Mélancolie des barbares est une commande du théâtre de La Digue et de la Cie Tabula Rasa dirigée par Sébastien Bournac. En septembre 2009, la pièce est créée à la Maison des Jeunes et de la Culture de Rodez, sous la direction de Sébastien Bournac.
- En novembre 2012, La Mélancolie des barbares est présentée dans une mise en scène de Camille Marois et Laurent Franchi du collectif NOSE à La Cartoucherie dans le cadre de la 9e édition du Festival Premiers Pas.
- En avril 2013, nouvelle mise en scène de Sébastion Bournac à la Baleine d'Onet-Le-Château (puis tournée : Scène Nationale d'Albi, au CIRC d'Auch, Théâtre National de Toulouse, Cahors, Aurillac, Béziers…).
-Lecture dirigée par Jean Marc Eder à la Manufacture de Colmar en mai 2009.
- Mise en espace par Sylvie Mongin-Algan au Théâtre des Célestins en novembre 2009.
- Lecture dirigée par Liz Diamond au Workshop Theatre de New York en mai 2010.

Bibliographie
SOUBRIER Virginie, Le Théâtre de Koffi Kwahulé: l'utopie d'une écriture-jazz, Éditions Rodopi, Amsterdam/New York, 2014.
BARRIÈRE Caroline, Le théâtre de Koffi Kwahulé : une nouvelle mythologie urbaine, Paris, L'Harmattan, 2012.
KWAHULÉ Koffi & MOUËLLIC Gilles, Frères de son : Koffi Kwahulé et le jazz, Éd. Théâtrales, 2007.
OMOWUNMI Busari Kawthar, Le féminisme dans l'oeuvre théâtrale de Koffi Kwahulé, thèse de doctorat (Philosophie) soutenue le 30 septembre 2015 (Ahmadu Bello University, Zaria - Nigeria) sous la co-direction des professeures Ifeoma M. Onyemelukwe et Doris L. Obieje.
BEL-FRANKIAN Agathe, La poétique de la truculence dans les théâtres contemporains des diasporas afro-descendantes en France, au Brésil et aux États-Unis (Koffi Kwahulé, Marcio Meirelles, Suzan-Lori Parks) Thèse de doctorat (Études théâtrales) soutenue le 2 décembre 2014 à La Sorbonne sous la co-direction des professeures Antonia Pereira (professeure, UFBA-Salvador de Bahia) et Sylvie Chalaye (Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris III).
LE GUEN Fanny, Belles de jazz. Voix et violence des figures féminines dans le théâtre de Koffi Kwahulé, Thèse de doctorat (Littérature française et comparée) soutenue le 18 décembre 2012 à La Sorbonne sous la direction du professeur Denis Guénoun.
DIDI-HUBERMAN Georges, Survivance des lucioles, Paris, Éditions de Minuit, 2009.
LE PORS Sandrine, Le théâtre des voix : à l'écoute des personnages et des écritures contemporaines, Rennes, PUR, 2011, p. 68.
DECHAUFOUR Pénélope, "Une valse de voix entrechoquées" [en ligne], Africultures [consulté le 29 décembre 2012]. Disponible sur Internet : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=11140
Site du collectif NOSE [consulté le 29 décembre 2012] ; Disponible sur internet : http://www.collectifnose.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=36&Itemid=165

 
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Fiche réalisée par Sophie Caffarel, étudiante Univ. Paris 3, SeFeA

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