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Fiche pièce
Collectionneur de vierges (Le)



L'AUTEUR
Couao-Zotti Florent



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Collectionneur de vierges (Le)
Couao-Zotti Florent

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Clément Ronin, étudiant Univ. Paris 3, SeFeA


  Bénin
2004
Editions Ndzé
 
Genre
Drame

Nombre de personnages
2 femmes
3 hommes


Longueur
8 tableaux
76 pages


Temps et lieux
Afrique, XXIe siècle

Thèmes


Mots-clés
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Bintou est une jeune et belle Africaine de seize ans. Issue d'une famille pauvre dont le père est décédé, c'est son frère aîné Oumarou qui représente l'autorité. Celui-ci s'est donné pour mission de respecter la tradition, à savoir donner sa sœur, comme promis par son père, à Issa, jeune poète et fils d'un ami. Mais Bintou n'a en jamais rien su et pour échapper à la pauvreté et à la tradition familiale, elle décide d'offrir sa virginité à Agbon, riche homme d'affaires sans scrupule qui emploie Oumarou comme bouvier.
Bintou tombe enceinte. Pour sauver l'honneur de sa famille et respecter la mémoire de son père, Oumarou impose que Bintou épouse Issa. La jeune femme, privée de toute liberté individuelle, devient ainsi un objet d'échange entre deux familles. Elle cède finalement à la pression et se résigne. Agbon ne le supporte pas et la tue. Sa mère la venge en tuant Agbon à la toute fin de la pièce.

 
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Parcours dramaturgiques

Le respect des traditions et de l'autorité paternelle
Un des éléments fondamentaux qui régit l'action est le temps. Toute l'intrigue de la pièce repose sur le passé et le respect de la tradition et de l'honneur familial dont dépend l'avenir de Bintou. Les ancêtres et la figure paternelle, bien que décédée, pèsent sur le destin de la jeune fille dès le début de la pièce :

BINTOU : Il lui demandera pardon ?
BAKEY : Comme l'ont fait ses ancêtres lorsqu'ils reconnaissaient l'offense comme une incantation porteuse de malédiction. (p. 11)

Le respect des anciens et de la tradition incombe à Oumarou qui incarne le symbole de l'autorité paternelle : il a pour "vocation" de préserver sa sœur "contre les crasses du monde" (p. 12). Il tient un discours qui est davantage celui d'un père que d'un frère et parle du "devoir familial sacré" (p. 24). En tant que tenant de la mémoire malgré lui, il se doit de "veiller pour que les paroles du père se fassent chair sur la terre des hommes." (p. 55) Lorsque Bintou résiste et s'apprête à le gifler, Oumarou réagit comme si elle levait la main sur le père avec lequel il se confond : "Tu oses le frapper. Me frapper." (p. 28) Il ressent ainsi l'affront de la perte de la virginité de sa sœur comme un déshonneur familial et n'a plus qu'un but, faire respecter la tradition et laver l'honneur en obligeant Bintou à épouser Issa pour qui "la parole du père est sacrée […] inviolable" (p. 36).
Bintou se rebelle, prend conscience de la monnaie d'échange qu'elle représente et défie la tradition : "Combien ai-je coûté ? Qu'avez-vous reçu en échange ? Je veux savoir ce que Papa et toi aviez compté pour qu'on me traite comme une banale affaire de la tradition." (p. 45). Elle refuse de se soumettre et d'être l'objet d'un marché conclu seize ans auparavant.


Bintou ou la quête absolue de liberté
Bintou est en quête de l'inaccessible liberté. Entre épouser Issa ou Agbon, le choix revient au même. Son insolence envers son frère et sa famille prouve son désir d'émancipation et de s'affirmer en tant que femme. Quand sa mère lui propose d'épouser Agbon, polygame, qui l'a mise enceinte, elle refuse d'abord et questionne la liberté et la modernité de la femme africaine : "Quel avenir espères-tu pour moi dans un ménage à dix ou à vingt où la seule musique se résume aux commérages et aux jalousies d'épouses mal baisées ? Malgré tes rides, je te croyais plus moderne, maman !" (p. 14).

Bintou veut prendre en mains son destin, se "tricoter un avenir" (p. 24). Quand elle comprend qu'on cherche à la vendre, elle est révoltée qu'on lui retire la liberté à laquelle on lui a laissé croire : "Pourquoi m'avoir laissé entendre que je suis, que j'étais comme toutes les filles de la cité, libre d'embrasser les nuages et de me rendre au rendez-vous des étoiles ?" (p. 44). Par la voix de Bintou, Couao-Zotti dénonce le sort des jeunes filles africaines privées de liberté et fait entendre leur désir d'affranchissement : "Mille choses mais une seule suffira à ma peine : rompre enfin cette vie poudreuse à laquelle mon existence et celle de ma famille semblent être condamnées depuis ma naissance. Vivre, monsieur Agbon. Enfin vivre, l'âme claire et le cœur endimanché. Vivre. Comme tout le monde." (p. 49) Elle tente d'échapper aux traditions en offrant sa virginité à Agbon ; elle revendique sa liberté avec provocation : "Mes pas, je les oriente là où il me plaît… Il y a déjà longtemps, mon ami, que je ne suis plus une vierge immaculée" (p. 52). Bien que libre ou se croyant telle, elle n'échappera pas à son destin.

 
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Pistes de lecture

La tradition en question
Couao-Zotti oppose tradition et modernité en opposant liberté individuelle et respect des lois familiales et sociales. La famille est d'emblée présentée sous un jour négatif avec la figure du "grand frère, [sa] grande torture" (p. 10) Le respect de la tradition, de la parole immuable du père ne laisse aucun choix à Bintou. La tradition est archaïque et opposée à la modernité : elle fait de la femme une monnaie d'échange, un objet. Bintou est la représentante de toutes les femmes marginalisées, mises en ban de la société car elles cherchent à affirmer leur liberté. Le paradoxe réside dans le choix de se donner à Agbon qui la traite comme lui aussi comme un objet, ici sexuel. Où qu'elle aille, elle est prisonnière. L'auteur explique que "la jeune fille se refuse de se plier aux normes de la tradition, et surtout épouse le vieil homme au lieu du jeune homme comme on aurait pu s'y attendre. C'est elle qui choisit contre la famille et contre la loi, un choix d'autant plus tranchant qu'il est paradoxal." (propos recueillis par Sylvie Chalayle, "Le Lyrisme des bas-fonds", Africultures, 25 mars 2005).

AGBON : Je veux te voir nue, m'enivrer de tes odeurs de femme. (Silence et hésitation de Bintou). Tu veux m'appartenir et tu hésites à te laisser aller à ces gestes simples ?

BINTOU : C'est que…

AGBON : Nue, mon amazone. Nue. Sans un filet de linge. Nue. Comme une nubile qui attend les transes nuptiales. (Elle obéit. Progressivement et un à un, ses habits tombent. Agbon tourne autour d'elle pendant quelques instants puis, brutalement s'écrase sur elle. Bintou hurle. Noir).


La lutte des classes
La pièce met en évidence l'opposition entre la ville et la campagne, entre le pauvre et le riche qui veut étendre sa domination. Couao-Zotti dessine un paysage africain possédé par les riches propriétaires qui emploient et exploitent les villageois dans la misère. Les didascalies initiales nous donne à voir la pauvreté dans laquelle vit la famille de Bintou : "La pièce se déroule dans une banlieue de Cotonou, à mi-chemin entre la brousse et les installations periurbaines. Intérieur d'un taudis. Décor sommaire : une table, des chaises déglinguées, un vieux lit dans un coin, des malles à demi ouvertes, un mannequin aux épaules duquel pend un mètre-ruban…" (p. 9). La misère est omniprésente et les besoins élémentaires sont les plus urgents : "Nos éternelles urgences. Manger. Et veiller à ce que le toit qu'on nous emprunte ne s'effondre pas sur nos têtes." (p. 12). En épousant Agbon, Bintou sort de cette misère. Il possède l'argent, la puissance à qui doivent se soumettre les pauvres. Il incarne la loi du plus fort que reconnaît la mère de Bintou en l'appelant "Monsieur Agbon". Quand Oumarou lui vole une vache, il traite ce dernier de voyou, "vaurien… taurillon sans testicules" (p. 18). Il manipule les gens, contrôle les journalistes et se joue de la liberté d'expression.

En devant choisir entre Agbon et Issa, Bintou devient le symbole de cette lutte des classes, guerre sans merci qui conduira à la mort d'une innocente. L'auteur propose deux visions du respect, celui qui se mérite (Oumarou) et celui qui s'impose par la force. Les pauvres sont à la merci des riches : "La terre, la dignité et maintenant l'air que nous respirons. Tout t'appartient, n'est-ce pas ? Et il faut que tu nous dépouilles de tout. Jusqu'à la vie." (p. 75) La fin de la pièce voit cependant triompher les pauvres qui prennent leur revanche et se vengent : " Tu diras à ta mère, tu diras à tes amis, tu hurleras sur le toit du monde que le pauvre a fini par défaire le riche, que le faible a fini par casser le puissant et que la terre a repris son équilibre sur les rognons de la morale." (p. 72)

 
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De plain-pied dans le texte

BAKEY : Il y a quinze ans, ton père t'a consacrée épouse du père de Issa pour lui avoir sauvé la vie. Mais lui t'a offerte à son fils.

BINTOU (émet un long ricanement) : Ainsi donc, je ne serai rien de moins qu'un objet qu'on échange pour montrer sa gratitude. C'est ce que tu appelles "tradition" ? Et toi, tu l'applaudis des quatre membres, tu lui donnes ta bénédiction en lui déroulant le tapis rouge. À quoi joues-tu là, mère ?

BALEY : Je n'y étais pour rien. Les circonstances me l'ont imposée. J'ai consommé avant que les choses se soient éclairées à mes yeux.

BINTOU : Et pourquoi me l'avoir caché tout ce temps ? Pourquoi m'avoir laissé entendre que je suis, que j'étais comme toutes les filles de la cité, libre d'embrasser les nuages et de me rendre au rendez-vous des étoiles ? (A Issa) On t'a promis ma virginité bien avant que tu ne pousses du muscle dans le pantalon, toi ! Alors tu tiens cela comme une certitude inviolable. Et tu débarques ici pour jouer les petits boucs et les chefs de terre.

BAKEY : Tu ne dois pas dire ça.

BINTOU : Il est ton protégé, toi. C'est toi qui as orchestré cette manigance avec papa. C'est encore toi qui a saoulé ce niais d'illusions imbéciles.

BAKEY : Ecoute, Bintou…

BINTOU : Combien ai-je coûté ? Qu'avez-vous reçu en échange ? Je veux savoir ce que papa et toi aviez compté pour qu'on me traite comme une banale affaire de la tradition.

(Pages 44-45)

 
 
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Pour poursuivre le voyage


Du texte à la scène
Le çollectionneur de vierges est écrite en août-septembre 2001 lors d'une résidence d'écriture à Limoges. La pièce est publiée trois ans plus tard, en 2004, aux Éditions Ndzé. Elle a été mise en scène par Tola Koukoui à la Maison Internationales de la Culture à Porto-Novo, la capitale du Bénin, les 3 et 4 novembre 2007 avant d'être représentée dans les principales villes béninoises jusqu'au 18 novembre 2007 à la Maison des Jeunes et de la Culture à Ouidah.

Bibliographie
Entretien de Sylvie Chalaye avec Florent Couao-Zotti, "Le lyrisme des bas-fonds", Africultures, 25 mars 2005
http://www.africultures.com/php/?nav=article&no=3746

 
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Fiche réalisée par Clément Ronin, étudiant Univ. Paris 3, SeFeA

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