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Fiche pièce
Pudeur



L'AUTEUR
Pliya José



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Pudeur
Pliya José

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Candotti-Besson et Jeremy Foucrier, étudiants Univ. Paris 3, SeFeA


  Bénin
2004
L'Avant-Scène Théâtre, collection des Quatre-Vents
 
Genre
Drame

Nombre de personnages
4 femmes
4 hommes


Longueur
52 pages


Temps et lieux
Une nuit dans une boîte échangiste

Thèmes


Mots-clés
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Quatre hommes et quatre femmes, dans une soirée échangiste. Une partouze comme ils disent. Chacun est là avec ses désirs, ses frustrations, ses secrets. Chacun est là près à se fondre dans l'anonymat d'une sexualité consentie et protégée par des lumières tamisées et une musique d'ambiance. Soudain un cri, une interjection. Une femme Ovidie se plaint… quelqu'un a eu un geste déplacé envers elle. Un geste d'amour ? Peu à peu, le circuit consommateur bien huilé déraille. Les nus sont révélés, chacun se dépouille peu à peu de ses artifices, tentant de préserver son anonymat derrière une dignité blessée. Chacun cherche le responsable, cherche à se dédouaner, à retrouver la moiteur sensuelle disparue.
Mais tout est brisé, et s'effiloche peu à peu. Les interrogatoires, les défenses hasardeuses, les vérités tronquées se succèdent dans une spirale d'hystérie montante.

 
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Parcours dramaturgiques

Effet choral
La dimension chorale imprègne très fortement la pièce. Certes les personnages dialoguent entre eux, échangent mais les paroles se font échos les unes aux autres et le dialogue se transforme en une succession de longues tirades de chaque personnage.
La pièce est découpée en deux parties réellement visibles : un long prologue où une femme, Ovidie, cherche à savoir qui a commis un geste déplacé, puis nous assistons à un long flash-back où se nouent les enjeux dramatiques. Chaque personnage prend position contre le fauteur de troubles, une voix différente, dont le ton change, mais dont les intentions restent identiques. Est mise en accusation le déviant, celui qui rompt "l'harmonie" du groupe.
Aux tirades se succèdent parfois de très courtes répliques, souvent identiques, prononcées par les personnages l'un après l'autre : un jeu rythmique naît alors, une rupture dans la lente mélopée.
Toutefois, ce chœur est un ensemble "contraint". Son but n'est pas d'apporter une parole commune et entière : les personnages semblent entrer en lutte avec cet ensemble afin de mettre en avant une singularité perdue. Le discours commun se veut, à l'origine, personnel et différent pour chacun d'eux. Mais inévitablement les mots et les propos se rejoignent. De ces voix prises au piège s'échappent des bribes de plaintes, une tentative de rébellion, jusqu'à se perdre et rejoindre le discours rassurant et facile de la majorité.

La parole incarnée
Pudeur est parole. Parole ponctuée d'action certes mais celles-ci sont sporadiques et ponctuent rythmiquement le déroulement du drame. Elles sont rares. Le déploiement des images se fait par la musique du texte, des mots. Musique des images aussi qui s'enchevêtrent et sont denses et dressent au-delà des mots "crus" un sens. Un sens de l'émotion et de la chair. Les mots amènent des sensations physiques. La chair, les odeurs, les corps sont évoqués tour à tour dans une ronde où se noient les personnages, où ils s'enivrent de leurs propres paroles, parce que celle-ci se fait chair et sensualité. Non pas par des actions, des didascalies indiquant des mouvements scéniques crus et obscènes mais par les mots qui révèlent sans vulgarité, sans provocation la réalité crue des corps. La parole se fait mouvement, sensation : l'on passe du fantasme érotique au dégoût des chairs éclairées au néon. Les pratiques taboues sont évoquées sans honte. Les "mots-chairs" envahissent la bouche des personnages pour qui le mot se fait action. Ils parlent, ils évoquent et tout se crée : jouissance et désir, frustration et dégoût.

 
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Pistes de lecture

Identité et reconnaissance
Les personnages n'ont pas de noms dans Pudeur, ils ont tous des pseudonymes. Eux-mêmes ne savent pas comment se nomment les uns et les autres. Le "prologue" les présente, mais leur personnalité, ce qui fait d'eux des êtres "caractérisés", se définit par leur relation au sexe. Commence alors un jeu de dupes où chacun présente l'aspect qu'il désire faire connaître de lui : la pièce s'axe ainsi sur la perpétuelle remise en question de la recherche de l'identité. Celle de l'autre, que l'on cherche à découvrir, à percer à jour et la sienne que l'on tente de cacher. Les corps perdent de leur mystère et à mesure que la pièce progresse les artifices tombent : les corps se révèlent et les personnalités aussi.
"Je pers mon érection et c'est votre faute. Je me pose des questions sur la raideur et les mécanismes qui la soutiennent, et c'est votre faute. Je m'interroge, je doute, j'angoisse, je me tourmente par votre faute. Que pouvez-vous pour moi ?" (p. 115) "Vous portez le doute sur moi et sur ma vraie nature que je connais mieux que personne et surtout mieux que vous. Je ne vous permets pas. Je ne vous permets pas. Arrêtez maintenant. Arrêtez" (p. 113). Une reconnaissance est demandée par les personnages, une reconnaissance de l'identité qu'ils cherchent à se construire, celle qui répondra aux fantasmes des uns et des autres. L'impuissant se dit rêveur inaccessible, la nymphomane se dit artiste… Chacun cherche à transformer l'espace d'un instant la gêne des pulsions cachées au grand jour, en discours chargé d'onirisme. Seuls juges et seuls témoins, ils fuient la lumière et les paroles les mettant en danger. Dès qu'un pas est fait pour sortir de l'anonymat, aussitôt interviennent les murs de la dignité blessée : honte d'avouer ce que l'on est, honte de percer à jour, de comprendre l'identité que l'autre s'est construite. Parce qu'à ce moment la nôtre s'est aussi effritée et l'on peut nous voir tel que l'on est réellement, en tout cas pas tel que le noir nous permettait de nous dissimuler. Tous se méfient de la lumière : "Trop de lumière montre les rides du ventre, les plis des fesses, les érections factices, les vulves pendantes et le désir qui se meurt. C'est la règle." (p. 89)

Désir et commerce
Au-delà des identités, le sujet principal de Pudeur reste le sexe et le rapport qu'entretiennent les personnages à celui-ci. Huit personnes consentantes sont rassemblées dans une boîte échangiste pour commercer désir et jouissance.
Les références commerciales sont nombreuses. Le champ lexical de la jouissance, que l'imaginaire collectif associe aux fantasmes du sexe "facile", alternent avec les mots froids de la vente et de l'achat.
"Songez que ceci est une soirée privée, organisée pour sept personnes, trois hommes, quatre femmes qui tout comme vous ont payé leur ticket d'accès au désir. Et le désir est une chose qui se met en scène, qui s'orchestre comme on règle une fanfare militaire." (p. 86) Cette terminologie du négoce peut sembler effrayants au lecteur mais balise le drame, qui offre les repères les plus rassurants aux protagonistes : le rappel sans cesse de cet échange monnayé et orchestré permet de rappeler comment tout est prévu, construit. Anonymat et satisfaction sont prévus dans les clauses du contrat.
Mais lorsque les sentiments s'immiscent brutalement alors les repères sont brisés. Le contrat n'est plus respecté et le danger surgit : danger de la conscience de réaliser ce que l'on fait, de perdre confiance et estime de soi. Tour à tour les personnages tenteront de faire taire Ovidie, la fauteuse de trouble, sans succès. Yann, l'organisateur interviendra pour tenter de rétablir l'ordre, de relancer la machine commerciale bien huilée mais c'est peine perdue. En dernier recours, il offrira la semeuse de trouble aux participants de l'orgie, révélant ainsi la réalité d'une cruauté pragmatique et matérielle, où l'ordre n'est qu'illusoire, où le moindre écart, la moindre respiration n'est pas permise.
La pièce se termine sur l'écroulement de ce système mais également sur la dure prise de conscience de sa réussite : le sentiment est banni ce lieu. "Peut-être ne trouvons-nous pas le désir parce que la gratuité nous est étrangère. Nous sommes dans l'inflation, dans la spéculation, dans la surenchère ; il nous arrive parfois de baisser les prix, de solder, de brader, mais le lâcher-prise nous est étranger." (p. 105) L'ombre du désir s'est montrée mais il n'a pas pu résister à la mise en scène, à l'offre et la demande des corps. La pièce démontre le cheminement d'une commercialisation des sentiments (désir, amour) et des mots : est révélée la banalisation vécue par tout un chacun à une époque où l'on parle de "porno chic" et où la jouissance et le plaisir sont représentés comme des objets de consommation courantes. Le propos n'est pas moralisateur, il ne s'agit pas de mettre en avant des valeurs qui tendraient à démontrer ce qui est "bien", ce qui serait "mieux". Non, il s'agit d'un constat.

 
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De plain-pied dans le texte

"Chut ! Calmez-vous. Calmez-vous. Je lis la peur dans vos yeux. La peur, l'effroi et l'épouvante de la femme traquée. Clamez-vous. Je vais vous expliquer : ce que nous réclamons, ce ne sont pas les heures de baise, les coups de reins et les soupirs, ni le plaisir stérile dont vous nous avez privés. Le temps d'une partouze avortée, vous nous avez raconté une belle histoire de fée au geste magique et qui transforme les corps et les chairs ; vous nous avez donné l'illusion qu'au-delà du désir et de son négoce il y avait un commerce, un commerce inédit, pur, protéiforme. Un commerce qui serait l'affection et le présent puisqu'il a fait la maison ouverte à l'hiver écumeux et à la rumeur de l'été, lui qui a purifié les boissons et les aliments, lui qui est le charme des lieux fuyants et le délice surhumain des stations. (En italique dans le texte) Vous étiez sincère, authentique, bouleversante même et nous vous avons crue mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. Venez. Approchez. Ne restez pas si loin de nous. Nous n'allons pas passer la nuit à danser autour de vous comme des indiens autour d'un totem. Venez qu'on en finisse." (p. 117)

 
 
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Pour poursuivre le voyage


Du texte à la scène
Mise en espace au Teatro San Martin en décembre 2005 à Caracas au Venezuela.

Bibliographie
Stéphanie Bérard, Le Théâtre-Monde de José Pliya, Paris, Éditions Honoré Champion, 2015.

Sylvie Chalaye, "José Pliya : inventer sa langue", in Sylvie Chalaye, Afrique noire et dramaturgies contemporaines : le syndrome Frankenstein, Paris, Éditions Théâtrales, 2004, pp. 91-94.

Émile Lansman, José Pliya. Écrire sur le fil ténu des frontières… Entretien avec Émile Lansman, Éditions Lansman, "Chemin des passions", 2011.

 
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Fiche réalisée par Candotti-Besson et Jeremy Foucrier, étudiants Univ. Paris 3, SeFeA

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