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Fiche pièce
Ida, monologue dechet



L'AUTEUR
Régis Jr Guy



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Ida, monologue dechet
Régis Jr Guy

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Giovanna Marrazzo, étudiante Erasmus, Master 2, Univ. Paris 3


  Haïti
2007
Rivarti Collection, réed. Vents d'ailleurs
 
Genre
Monologue

Nombre de personnages
1 homme
Plusieurs présences : 2 femmes et 1 homme

Longueur
68 pages


Temps et lieux
Port-au-Prince, Haïti. Un 2 novembre dans les années 90.

Thèmes


Mots-clés
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Il s'agit du monologue d'un homme dont le nom reste inconnu pendant toute la pièce. Tout jeune Haïtien vivant à Port-au-Prince dans les années 1990 peut s'identifier à lui.
Le jeune homme raconte la rage et le malheur de sa vie, à travers son histoire d'amour avec Ida, jeune femme haïtienne, la seule capable par moment de lui donner amour, espoir et bonheur.
Le récit porte principalement sur cette histoire d'amour qui devient un prétexte à raconter la colère et l'enfermement de cet homme. Tout commence un 2 novembre. Le jeune homme seul, avec le ventre creux, nous conduit dans ses souvenirs à la recherche de l'origine de son malheur... Et c'est aussi ce même 2 novembre qu'il disparaît.
"Non. C'est comme ça que tout a commencé. C'était avant le 2 novembre. Je venais de rapprocher à ma mère d'avoir choisi ici pour me donner la vie. Elle aurait pu choisir ailleurs. Quand à mon tour j'ai eu un enfant, ma mère est venue à l'hôpital, couches, drap, linges, serviette en main. Les mêmes qui m'avaient accueilli au monde. Avec des yeux regrettant ma perte. C'est depuis ce jour là, depuis ce 2 novembre que j'ai tout compris." (p. 22)

 
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Parcours dramaturgiques

Déstructuration temporelle
Le temps de la fiction ne correspond pas au temps de la narration sur scène.
La temporalité de la pièce s'étend de l'enfance du jeune homme jusqu'à sa disparition.
La narration n' est pas chronologique, au contraire c'est une narration faite de souvenirs et d'associations mentales, qui font sauter la narration d'un point à l'autre de la vie du jeune homme à travers des événements importants qui ont tous lieu le 2 novembre.
La narration est elliptique, avec des trous temporels qui dirigent le lecteur vers la scansion du 2 novembre.
Ce temps troué est un temps universel et l'action racontée peut se produire à n'importe quel moment de l'histoire d'Haïti, à partir des invasions que l'île a subies jusqu'à nos jours.

L'espace non plus n'est pas défini. Nous savons avec certitude que nous sommes à Port-au-Prince, mais le jeune homme, à travers ses souvenirs et ses associations, nous emmène dans plusieurs non-lieux : la maison vide où il vit, le quartier du Champ de Mars, les entrailles d'une ville perdue, jusqu'à la mer sans fin sur laquelle s'ouvre Haïti. La mer devient un double espace d'actions physiques et psychologiques, un espace de liberté, d'évasion et de contemplation des misères de la vie quotidienne, mais aussi un espace d'enfermement, une prison qui conduit Haïti au complet isolement et à l'indifférence du reste du monde.
"Et de là, on chantait haut et fort contre eux face à la mer. La mer bleue. La mer perpétuelle. La mer indicible, Immaculée. La mer de vagues méchantes et douces à la fois. Et la mer. La sale mer qui s'inquiétait fort peu de nos combats.
On chantait et on espérait que d'autres terres, d'autres mers, d'autre pays nous entendaient. Mais ils étaient préoccupés, les autres mers, les autres pays, par ce qui leur arrivait, à eux, dans leur lot quotidien. C'est fou ce que l'on peut être indifférent d'une mer à l'autre. " (pp. 66-67)

Drame épique des misères humaines
Cette pièce aux multiples langages qui la traversent, peut être vue comme le drame épique de la misère humaine.
Le prologue est écrit comme une invocation à la déesse Ida. On pense à Homère racontant le courroux du Péléide Achille.
"Ida Ô Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ô Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ô Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ô Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ô Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ô Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ô Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ida Ô" (pp. 4-6)

Dans la pièce, le récit héroïque est remplacé par le portrait de la misère humaine dressé par le jeune homme qui invoque Ida, sa déesse, pour raconter sa colère contre une humanité perdue.
Le chant d'Alexandre, épilogue qui ferme de manière cyclique le récit commencé par l'invocation à Ida, peut être lu comme une cantilène, un chant des Parques, présage inquiétant de mort.

Théâtre ou poésie ? Écriture d'images
Dans un entretien avec Thomas Spear, l'auteur déclare : "Vient la période où j'ai écrit Ida, quelque chose que j'avais envie de dire. Je me demandais si c'était du théâtre ou pas. Alors, j'ai pris un dé et je l'ai lancé ; cela a donné le chiffre que je voulais et j'ai décidé que c'était du théâtre. […] Quand on s'invite à créer, à écrire, cela vaut la peine de créer d'autres choses aussi, sinon cela ne vaut pas la peine. Donc, j'ai écrit ce texte, Ida, qui était pour moi un texte à dire debout. (http://ile-en-ile.org/guy-regis-5-questions-pour-ile-en-ile)
La pièce n'a pas d'intrigue véritable. On peut parler d'une écriture par les images, dans l'interaction entre la prose et la poésie qui caractérise la langue de Guy Régis Junior. Il n'y a pas de continuité chronologique entre les différents épisodes racontés.
Tout à coup, on se retrouve projeté dans la vie du jeune homme, dans une tension née de ces monologues intérieurs, flux de conscience à la James Joyce qui créent une écriture des images.
Ces images ne sont pas nécessairement associées entre elles ; elles conduisent le lecteur/spectateur dans l'univers malade, désolé mais encore plein d'espoir de Port- au-Prince. Ici, on suit l'histoire d'amour du jeune homme avec Ida, à travers d'énormes sauts psychologiques à la recherche de quand tout a commencé.
Le monologue est un règlement de compte physique et psychologique de son existence.
Le jeune homme nous fait voyager dans l'âme humaine, à travers l'interaction avec des personnages-apparitions sous forme de souvenirs. Il s'agit d'un voyage dans l'enfermement humain et social, contre lequel il doit lutter chaque jour face à une perte désolante de solidarité.
Seul l'amour de et vers Ida lui donne, même pour un bref moment, l'espoir de vivre.
"Des chiens et autres bêtes. Des bêtes et autre chiens. Des chiens et autre bêtes m'ont pris ma ville, mon pays. Des chiens et autres bêtes. Des bêtes, des hommes à casque, des militaires nous ont encore envahis. Où es tu Ida ? Ida rentre. Et si chez nous ne te plaît plus, rentre en moi, refais ton invasion." (p. 20)

 
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Pistes de lecture

La déstructuration linguistique : l'invention d'une langue nouvelle
Guy Régis utilise la langue comme un jeu pour déconstruire les règles théâtrales. Les jeux de mots et la musicalité accentuée par l'utilisation des allitérations donnent du rythme à la pièce, permettant ainsi de s'éloigner de ce qui aurait pu être l'analyse objective d'un état existentiel.
Le rythme du récit touche émotionnellement le spectateur, qui participe personnellement aux expériences du jeune homme.
Au-delà de la musicalité, le changement de registres de langue et la création de néologismes participent à la déstructuration de la pièce. Le jeune homme passe d'un langage très direct et prosaïque pour raconter la violence et l'inégalité sociale, en un mot, la colère, à un langage soutenu et poétique pour raconter son amour pour Ida.
 L'écriture de Guy Régis Junior n'est toutefois pas un exercice de style, mais une parole qui devient un état physique.
"Ils revenaient lobotomisés, programmés, catégorisés, budgétisés. Ils revenaient aseptisés, argentisés, spécialisés". (p. 52)

Une parole corporelle
Dans la pièce Ida, les mots se transforment en matière.
La présence corporelle des mots fait résistance. Ainsi, l'amour pour Ida, n'est pas platonique, mais au contraire, le récit de cet amour est fait de chair et de sueur, où l'image corporelle du désir aide à matérialiser l'expérience de l'amour. Parler de l'amour pour Ida signifie utiliser son corps.
 "Je te presse de mes doigts complices, tu en jouis, je m'en réjouis. Je te pince la peau de mes lèvres concubines : inférieure puis supérieure, et toi, tu me files ta sève. " (p. 63) Le recours au créole dans certains passages et la dissémination de mots créoles dans toute la pièce réaffirment les racines et le sentiment d'appartenance à son identité haïtienne.

La relation externe/interne

Le monde extérieur où le jeune homme se trouve est une métaphore de l'expérience intérieure qu'il vit.
Au chaos et à la violence des rues correspond la rage intérieure du jeune homme nourrie par la solitude humaine et le sentiment d'impuissance.
Le ventre toujours vide des personnages est une métaphore du vide existentiel vécu par les Haïtiens, où l'espoir de l'amour en tant que symbole de la fraternité est un dernier cri à l'humanité perdue, oubliée.
Le jeune homme remplit son ventre de l'amour d'Ida.
"On est à Port-au-Prince. Ville obscure. Il reste sur ta langue Ida, le mot d'espoir qui viendra rallumer le jour dans ma vie."
(p. 38)

Odi et amo
Haïti représente la rage et l'amour que le jeune homme ressent envers lui-même et envers son île.
Un sentiment continu et oscillant l'habite, entre le nihilisme et la volonté de réappropriation de l'amour et de la vie. L'île l'enchante et l'emprisonne en même temps, le pousse à rechercher la liberté au bord de la mer.
"Port-au-Prince d'Ida. Port-au-Prince de moi. Port-au-Prince de nous Ida et moi. Port-au-Prince mourra-t-il sous le flot de nos baisers, ou l'inverse ? " (p. 36)

 
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De plain-pied dans le texte

Arriverai-je à goûter chaque jour le sel d'Ida ? Tout soleil suffirait à mon ciel. Ida mon Babel. Ida mon pays. Ida mon monde. Ida ma paix dans le monde. Ida mon hélice. Ida ma Léonne. Ida mon aile. Ida mon aile mon hélice mon Babel. Ida mon hèlice-babel. Ida ma Babe. Je volerais pour elle. Ida vole. Vole, Ida. Je vole. Tatata ! Tatata ! Vers le ciel ! J'atterrirai avec toi dans le ciel et j'habiterai et nous habiterons dans les nuages, ces mousses, ces vagues de ciel. Et peut-être deviendrai- je ange pour elle ? Peut-être, oui peut-être, porterai-je des ailes pour elles ? [...] Ida la belle, Ida ma transhumance. Ida ma transcendance. Ida Erzulie de mes vices. Vénus de ma philosophie. Ida dame douleur. Ida dame chance. Ida des jours gais. Ida des jours tristes. Ida de mes déboires. Ida de mes extases. Ida, quand je n'en peux plus. Ida quand je veux encore. Ida Ô Ida Ô Ida Ô Ida Ô Ida. (pp. 55-56)

 
 
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Pour poursuivre le voyage


Du texte à la scène
Mise en scène par Ruddy Sylaire à L'Artchipel (Scène Nationale de Guadeloupe) les 27-28 avril 2007 
avec Guy Régis Junior, puis au Tarmac de la Villette à Paris du 1er au 23 juin 2007.
Mise en lecture par Guy Régis Junior en avril 2013 à l'Université de Virginie aux Etats-Unis.
Mise en lecture par Aimée-Sara Bernard pendant la soirée Littéraire Haïti à la M.J.C. de Paris-Mercœur le 16 avril 2016.

Bibliographie
Entretien avec Guy Régis Junior conduit par Thomas Spear,
http://ile-en-ile.org/guy-regis-5-questions-pour-ile-en-ile

Sylvia Chalaye, critique Ida au TARMAC de la Villette, juin 2007
http://www.africultures.com/php/?nav=article&no=6663

Gerty Dambury, critique août 2007
http://www3.carleton.ca/francotheatres/spectacles_IDA.html

 
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Fiche réalisée par Giovanna Marrazzo, étudiante Erasmus, Master 2, Univ. Paris 3

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