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Fiche pièce
Un appel de nuit



L'AUTEUR
Konaté Moussa



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Un appel de nuit
Konaté Moussa

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Sylvie Chalaye


  Mali
1995
Editions Lansman
 
Genre
Drame

Nombre de personnages
2 femmes
2 hommes


Longueur
12 tableaux


Temps et lieux
un quartier de banlieue, à deux époques différentes, éloignées l'une de l'autre d'une trentaine d'années

Thèmes
modernité , tradition

Mots-clés
autorité , éducation , émancipation , femme , immigration , maternité , père , téléphone , tradition
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Le téléphone sonne au beau milieu de la nuit, chez Doulaye. C'est Alima sa soeur. Elle traverse une période difficile ; des souvenirs d'il y a trente ans remontent à la surface et l'obsèdent. Elle se remémore, la banlieue, les violences de la cité ; elle se remémore ses relations difficiles avec un père qui ne comprenait pas son comportement ; elle se remémore sa mère soumise, troisième femme d'un mari polygame ; elle se remémore le licenciement du père et le projet de retour, puis son départ de la maison, son mariage... Mais aujourd'hui Alima est convaincue d'avoir raté sa vie. Ses enfants sont partis, son mari a une maîtresse. Ce qu'elle croyait fuir l'a finalement rattrapée. Elle a résolu de mettre fin à ses jours.

 
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Parcours dramaturgiques

Une conversation trouée de souvenirs
La dramaturgie de la pièce repose sur des procédés qui ne sont pas théâtraux, mais appartiennent plutôt au cinéma. On a en effet un premier fil diégétique où l'énonciation est prise en charge par le dialogue téléphonique entre Alima et Doulaye, frère et soeur d'une quarantaine d'années. Mais cette énonciation s'interrompt pour faire place à la reconstitution subjective des souvenirs qui remontent à la surface et dont les frère et soeur ont gardé la mémoire, sans avoir vécu ces moments de la même façon. Ces trouées dans l'énonciation procèdent comme des flash-back qui nous transportent trente ans en arrière.

Un drame intimiste
La pièce de Moussa Konaté est un drame intimiste, le drame privée du déracinement et de la destructuration qu'impose l'émigration à des familles convaincues qu'il faut préserver les lois sociales et les traditions qui les auraient régies au pays, mais qui perdent leurs repères avec la jeune génération parce qu'elle n'a pas connu le village. Toute la force de la pièce repose sur un dialogue d'une grande justesse qui confère presque aux paroles des personnages le statut de ces confidences glanées par une caméra-vérité pour un reportage authentique sur les contre-coups culturels de l'émigration.

Une parole dans la nuit
Plus qu'un simple appel téléphonique, la pièce est un appel au secours. L'absence de localisation et l'intemporalité de la nuit disent métaphoriquement l'obscurité dans laquelle se retrouve Alima qui, on le comprendra vraiment à la fin de la pièce, était au bord du suicide. Mais tandis que le téléphone nous raccroche au monde occidental et à une parole aseptisée et d'abord fonctionnelle, celle de la communication, la nuit nous ramène au statut de la parole africaine incantatoire et conjuratrice, cette parole qui convoque la vie et peut peut-être changer le cours du destin. Alima et son frère ont grandi l'un à côté de l'autre sans se comprendre sans s'écouter. Et voilà que ces paroles échangées dans la nuit vont les aider enfin à se reconstruire.

 
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Pistes de lecture

L'ordre masculin
" C'est vrai que je n'étais pas une fille commode. Mais c'est parce que j'étouffais, parce qu'il y avait trop d'interdits, trop de règles où on voulait emprisonner ma vie. Tu ne sais pas tout... Tu ne pouvais pas tout savoir. Certains jours... j'ai pensé tuer papa." (p. 10)

Alima est en butte avec l'autorité masculine d'un ordre auquel elle refuse de se soumettre, parce que ce n'est pas celui que la société où elle a grandi lui donne en référence. Cet ordre inégalitaire où le chef de famille a plusieurs femmes, où la réussite scolaire des filles importe peu et où leur avenir passe nécessairement par le mariage, Alima ne peut y a adhérer. Elle est donc en révolte contre l'ordre du père. Et le refus est d'autant plus raide, que l'ordre du père est mis à mal par la perte de son emploi et qu'il revendique une autorité qu'il n'a plus socialement sur ses enfants.
Cette autorité masculine se manifeste aussi par l'acceptation de la mère et son aliénation totale que Alima met sur le compte de l'analphabétisme, tandis que son frère considère que les choses sont plus complexes.


Emancipation et culpabilité

"Mon père m'a toujours dit : "Méfie-toi de la femme car c'est par elle que Satan entre dans les familles" (p. 12)

Alima revendique sa liberté, son indépendance et notamment le choix de rester en France et de travailler en subvenant elle-même à ses besoins. Position sociale qui est inconcevable dans l'ordre traditionnel du père et qui cause aussi la douleur de la mère. Parce qu'elle est révoltée, Alima devient la "mauvaise fille" et est dénoncée comme maudite, comme la tare de la lignée : "Une fille maudite, voilà ce que tu es, Alima. Une fille qui n'écoute ni son père, ni sa mère, et qui n'en fait qu'à sa tête ! On n'a pas toujours l'enfant qu'on veut. Toi, tu es d'une autre espèce : ce caractère hautain, cette insolence, tu ne les as pas hérités de nous... " (p. 33) Seulement cette malédiction que la famille fait peser sur Alima finira par la rattraper ; elle est à l'origine de la dépression qui la travaille et l'amène à vouloir se détruire. Moussa Konaté montre à quel point il est difficile de se dresser contre l'ordre familial et culturel, et de rompre avec ses origines, même si le désir est légitime et s'explique.
Ce qu'Alima prend pour la malédiction qui l'a frappée n'est autre que sa culpabilité. Elle souffre aujourd'hui d'avoir fait souffrir sa mère :

Alima.- Elle disait que j'étais maudite, que j'arriverais à rien. Elle avait raison : je ne suis plus qu'une vielle femme qui a raté sa vie.
Doulaye.- Maman a parlé ainsi par désespoir. Elle t'aimait trop pour te maudire vraiment.
Alima.- Je ne te crois pas. De toute façon, je suis maudite. Je l'ai fait pleurer, je l'ai fait souffrir, je l'ai abandonnée et je ne sais même pas comment elle est morte. Je ne sais même pas où se trouve sa tombe. Si mon mari me délaisse, c'est l'expiation qui commence pour moi.
(p. 40)


Rupture culturelle
La pièce de Moussa Konaté représente un hymne à la tolérance. Les enfants ont naturellement du mal à comprendre les parents et l'abîme culturel qui les sépare. Mais les parents auraient aussi dû admettre que la situation les dépassait. Ce qui manque entre les enfants et les parents, c'est un vrai dialogue, une compréhension mutuelle.
La rupture culturelle à laquelle amène le phénomène de l'émigration est un drame privé que l'on a du mal à cerner, tant il reste étouffé au sein d'une cellule familiale qui se craquelle de l'intérieur. C'est le drame de l'incommunicabilité, le drame du dialogue impossible.

Errance et déracinement
Alima refuse le retour au village et la vie qu'elle imagine être celles des femmes africaines auxquelles elle ne peut ressembler. Sa vie est ici à présent. Mais si elle n'a plus de terre de retour, plus de terre natale, croire que sa terre d'adoption puisse être un pays d'immigration est une illusion pour sa mère. Selon elle, Alima sera condamnée à l'errance à ne pas avoir d'attache : " Souviens-toi, Alima : dans un pays qui n'est pas celui des ses ancêtres, on sera toujours étranger... même si on fait semblant de croire le contraire. Toi ma fille, tu es une femme noire dont les ancêtres viennent du village là-bas dont tu ne veux pas entendre parler. Si tu te crois un enfant de ce pays, les vrais enfants de ce pays se chargeront chaque jour de te prouver le contraire..." (p. 23)
Et c'est bel et bien cette errance qui se manifeste aujourd'hui dans la détresse d'Alima qui n'a pas trouvé sa place dans la société.

 
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De plain-pied dans le texte

La mère.-Tu sais, Alima, c'est vrai que je ne peux pas aller d'ici à la boulangerie sans me perdre... mais j'ai appris à écouter et à regarder. Je sais ce qui arrive quand chacun ne peut compter que sur soi. Penser que tu vas être seule ici m'empéchera de dormir. Je ne serai plus tranquille le reste de ma vie.... Pourquoi vivre seule ici parmi tous les périls et dans l'indifférence si tu peux retourner chez toi.... Crois-moi... c'est là-bas ton vrai pays, ma fille.
Alima.- Non, maman, je ne peux te croire. Regarde-nous : on a déjà de la peine à communiquer, toi et moi. Tu parles mal le français et moi, je comprends à peine ta langue et je ne sais pas la parler. Qu'est-ce que je vais faire dans un coin de brousse où on ne parle que ta langue ?
La mère.- La langue que je parle n'est pas la mienne, mais celle de ton père. Je ne l'ai apprise qu'après mon mariage. Toi aussi, tu apprendras, Alima.
Alima.- Maman, écoute-moi ! ce que je sais, c'est que, dans ce village, vivent les deux coépouses de mon père et leurs neuf enfants. Une fois que tu arriveras là-bas, tu ne seras qu'une femme parmi d'autres. Tu n'auras pas un appartement mais une case, tu tireras l'eau du puits, tu iras chercher du bois pour faire la cuisine, tu pileras le sorgho, tu n'auras pas un seul moment de repos... C'est ça, la réalité.

 
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  Du texte à la scène…

Une première mise en espace de ce texte a été réalisée à Epinay-sur-Seine dans le cadre de la manifestation « Regards contemporains », le 21 octobre 1993 sous la direction de Marc Paquien, avec Pascal Dieudonné, Delphine Salé, Nadine Varoutsikos et Laurent Viel. D’autres lectures plus récentes sont aussi à noter, comme en septembre 2000, celle de Patrick Le Mauff à Expression 7 lors du 17e Festival International des Francophonies.

 
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Pour poursuivre le voyage


CHANDA Tirthankar, Entretien avec Moussa Konaté, in Notre librairie, n° 135, septembre-décembre 1998.

 
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Fiche réalisée par Sylvie Chalaye

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