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Fiche pièce
Equatorium



L'AUTEUR
N'debeka Maxime



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Equatorium
N'debeka Maxime

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Dany Toubiana


  République du Congo
1987
Editions Présence Africaine
 
Genre
Comédie dramatique

Nombre de personnages
2 femmes
9 hommes


Longueur
2 tableaux
83 pages


Temps et lieux
Quelque part en Afrique, mais peut-être ailleurs aussi… Période contemporaine.

Thèmes
Pouvoir

Mots-clés
Fantôme , politique , Pouvoir , revenant
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Le Guide-Eclairé-Père-de-la-Nation assisté de son Cousin-Secrétaire-Garde du Corps s'inquiète de la tournure prise par une révolte populaire. Il veut reconquérir le pouvoir et se trouve prêt à toutes les compromissions pour y parvenir, y compris la mort de ses proches. Pour obtenir encore plus de puissance, il souhaite être accepté comme membre de la société secrète du Likoundou, une secte qui pratique les sacrifices humains. Cette intronisation nécessite qu'il mange de la chair humaine de jumeaux et pour cela il n'hésite pas à sacrifier ses deux jumeaux nouveaux-nés. Par l'intermédiaire du sorcier Douze-Manières-Trente-Six Malins, il obtient l'Oeil Infaillible grâce auquel il "voit" ses ennemis et peut les éliminer. Commence alors une spirale des massacres : Le Guide fait disparaître ses ennemis potentiels ou imaginaires mais aussi ses amis puis sa propre famille. L'Oeil est inexorable et il faut le satisfaire en tuant aussitôt l'ennemi désigné. Le Guide finit par voir son propre visage dans l'Oeil et doit à son tour être éliminé. Son cousin aidé de sa seconde épouse se charge de la besogne…Tout dans cette histoire parle de près ou de loin de pouvoir et même d'excès de pouvoir. Pouvoir politique, religieux, occulte, pouvoir de l'homme sur la femme et vice-versa mais aussi tourne autour de la présence permanente de la mort

 
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Parcours dramaturgiques

De nombreuses pièces du répertoire africain sont hantées par des fantômes sans voix face à des bouffons toujours vivants, prêts à oeuvrer, aidés par toutes les forces occultes, y compris les plus noires pour grapiller la moindre parcelle de pouvoir. Le Guide Eclairé, chef politique au pouvoir absolu, s'attache les services de l'Oeil Infaillible, un fétiche guidé par la fille du sorcier Douze Malins trente Six Manières qu'il est tenu d'épouser, Chacune de ses décisions est dictée par cet Œil. Malgré le ridicule de certaines scènes, le rire se meut en dérision et l'horreur s'installe au coeur du grotesque. L'intronisation du Guide, lui-même guidé par les pouvoirs de l'œil derrière lequel se cache le pouvoir occulte d'un sorcier, se situe au centre de la pièce et porte en germe son renversement futur. Le pouvoir politique change de mains et a pour conséquence dramaturgique le renversement de l'action: le Guide n'est pas le véritable détenteur du pouvoir, car sous prétexte d'en acquérir plus, ils l'ont remis à des puissances occultes, le fétiche de l'Oeil Infaillible. Par ailleurs, le sorcier finit par devenir la victime du dictateur. Qu'il soit chef politique ou sorcier, les détenteurs du pouvoir apparaissent comme des rois provisoires, destinés à la détrônisation, des rois de carnaval.
Comme de nombreuses pièces africaines, cette pièce met au centre une figure de chef d'État qui présente bien des ressemblances avec Ubu, le personnage créé par Alfred Jarry avant 1914. Cependant, si le Père Ubu est un roi dérisoire avec des objets qui lui sont propres comme le balai, le croc et le ciseau à merdre, le bâton à physique, la "pompe à phynances" la machine à décerveler etc…, dans les pièces de Maxime N'Debeka les objets du pouvoir sont plus classiques. Tout ce qui constitue l'apparat militaire est de la plus haute importance, l'uniforme, bien sûr mais aussi les décorations et les armes. Cette solennité conditionne les relations entre chefs ou avec des ambassadeurs des puissances étrangères. Mais comme au carnaval, une fois le costume ôté, aucune relation ne subsiste. Le Guide-Eclairé- Père de- la -Nation, avec son Oeil Infaillible, croit posséder un pouvoir supplémentaire et plus sophistiqué qui le rendrait éternel; de plus, celui qui en a la jouissance, peut détecter ses ennemis. En leur présence, l'Oeil s'allume, montre leur visage dans un miroir et ne s'éteint qu'après leur exécution. L'Oeil lui garantit "l'éradication de la contestation, de l'insoumission, de la subversion, de la rébellion". Mais passer ses ennemis supposés ou réels "à la trappe" ou découvrir ses ennemis par l'intermédiaire de l'Oeil Infaillible revient au même puisque cette escalade de la violence et de la mort finit par se retourner contre son instigateur. Le dernier visage qui s'inscrit dans l'Oeil est le Guide Eclairé lui-même. Il était bouffon, il entre dans la folie. Madami-Présidente, sa femme et son Cousin-Secrétaire-Garde-du-Corps se chargent de l'éxécuter.
Néanmoins, l'ordre de la cité est toujours régi par l'Oeil Infaillible qui continuera à traquer les ennemis du nouveau régime dictatorial à son tour jusqu'à ce que celui-ci soit, à son tour, renversé. Dans l'épilogue, le Guide- Eclairé, à sa mort, atterrit après une chute vertigineuse, à travers un tunnel (une trappe ?) devant un tribunal qui va l'obliger à revivre chaque mort qu'il a infligée. Une fois mort et dépouillé des attributs de sa fonction, derrière le masque il ne reste personne si ce n'est un homme qui a peur. La scène se fige, la lumière s'éteint et seul le Revenant-Provocateur, marionnettiste du monde invisible, reste sur la scène. La mort du "héros" central n'ouvre ni sur un mythe de "regénération" du monde ou une restauration de l'ordre mais uniquement sur l'absurde et un univers où le ciel est absent.
Ce qui aurait pu être une pièce tragique en raison de son sujet, n'est en fait, qu'une mascarade où joue l'ambivalence des situations, où se mêlent le grotesque et l'horreur

 
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Pistes de lecture

Dans cette pièce, invisible des personnages de la pièce mais totalement complice des spectateurs, se présente comme un deus ex-machina, le Revenant-Provocateur. Si dans le théâtre shakespearien ou celui de Jean Genet, les fantômes sont au service d'une cause personnelle ou politique, celui-ci se définit comme suprêmement libre, au service du monde entier, chargé de semer des graines de subversion, dans les parties de l'univers qui souhaitent cacher leurs malversations. Si, comme les autres spectres, il provoque le scandale et le bouleversement, le Revenant Provocateur utilise une arme de subversion totale : la transparence. Car comment et où dissimuler ce qu'un témoin éternel et insaisissable clame à la face du monde ? La pièce démarre sur un sifflement strident puis un coup sec de pétard pendant que s'allume parmi les spectateurs un feu de Bengale. Le personnage qui apparaît est étrange:
L'auteur ne laisse rien au hasard et les détails qu'il donne, situent de façon précise son personnage, comme un initié et un vagabond, à la lisière de deux mondes: celui des vivants et celui des morts, du monde moderne et de la tradition africaine.
Ainsi sa tenue des plus paradoxales le présente à cheval sur deux univers, celui de la modernité, voire de l'occidentalisation (le blazer, la cravate) et de la tradition (le sac de raphia, le drap noué comme les vieux de la brousse) mais si le blanc (des gants) est une couleur de deuil au Congo, le tissu rouge qui recouvre la boîte, est une teinte symbolisant la connaissance occulte et indique aussi qu'il appartient au monde des initiés. Cette constatation est confirmée par le fait qu'il trottine au lieu de marcher, cela indique qu'il suit le rythme du petit likembé, cet instrument de musique qui accompagne le solitaire, le guetteur initié, en contact avec le monde des morts et qui apporte les nouvelles dans la tradition congolaise. Le sifflement, qui a marqué son apparition subite, est celui que l'on fait pour appeler les esprits ou pour les incantations. Les brodequins militaires qu'il chausse, attestent un but guerrier. L'appartenance au monde des morts et des vivants le range donc bien dans la catégorie des spectres errant à la lisière des deux mondes.

Deux détails inscrivent cependant le personnage dans la théâtralité: les gants blancs propres au meneur de jeu comme l'Auguste au cirque ou dans certains spectacles, le coup de pétard et l'arrivée du personnage dans un feu de bengale. Nous sommes loin de la nuit funèbre et mystérieuse dans laquelle apparaissent les fantômes dans les pièces de Shakespeare. Ce revenant se présente dans la clarté la plus totale, dit bonjour, son apparition souligne aussi un sens du théâtral et globalement, il n'impressionne pas comme un fantôme devrait le faire. Dans cette absence de mystère et d'inquiétude du spectateur réside, sans doute, l'ambiguïté du personnage.
Le Revenant Provocateur se présente explicitement comme "le double impérissable" de chacun. L'identité du personnage est indécidable et le thème du double qui ne meurt jamais, le confirme à la fois comme fantôme mais aussi comme une figure de l'errance telles qu'on peut les trouver chez les fantômes de Strinberg ou Ibsen.
Contrairement aux fantômes de la tragédie shakespearienne qui, en général, parlent un minimum et disparaissent de la scène après avoir mis en place le processus de la vengeance, celui-ci s'installe sur le scène et prend à partie un spectateur précis qui, comme dans certaines représentations, agirait comme un comparse.
Il se présente comme un comploteur, mais alors que le fantôme n'a aucune possibilité d'action sur le monde des vivants et se contente d'armer la main qui va éteindre sa vengeance, ici le Revenant "provoque" les évènements et les met lui-même en place.
Il nous faut rappeler ici le contexte africain de la pièce, c'est-à-dire une société qui n'exclut ni ses fous, ni ses fantômes. Comme le fou, le fantôme est aussi un initié et il se distingue par ses dons de clairvoyance. La boîte mystérieuse du Revenant Provocateur est son secret qu'il dévoile enfin: c'est un aquarium d'un genre un peu spécial puisque cet objet est la métaphore de notre terre et justifie le titre qui est un mot-valise constitué du mot "équateur" et "aquarium". La dernière partie du dialogue dévoile complètement le rôle du Revenant Provocateur. Il se veut au service de toutes les victimes. Alors que le fantôme "classique" réclame une seule vengeance pour un acte précis, la subversion totale de celui-ci consiste à ne se situer ni du côté des victimes, ni du côté des bourreaux mais à présenter une inflation presque une hypertrophie du souvenir : il n'oublie rien.
Gardien de la mémoire de cette foire d'empoigne qu'est le monde, le Revenant Provocateur ne revient que pour entretenir celle des hommes et les empêcher d'oublier. Il vit parmi les hommes, en marge mais témoin de leurs actions et il "comptabilise" chaque mort endurée violemment. Cette nécessité du souvenir fait sans doute référence à l'histoire, bien sûr, mais aussi au vécu personnel de l'auteur.
Le Revenant peut être signalé ici comme une double figure métonymique : celle de l'écrivain d'une part, qui se situe comme témoin, "faiseur" d'histoire et garant de la mémoire mais d'autre part, celle du monde en général et de l'Afrique en particulier, victime d'une histoire dominée par les dictatures et le meurtre.

 
 
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  Du texte à la scène…

Cette pièce a fait seulement l’objet de quelques lectures, mais n’a jamais été mise en scène en français. Elle a été traduite en anglais et mise en espace à New-York . Par ailleurs, elle a été mise en ondes sur France Culture en 1988, par Georges Peyrou et Jacques Charreaux.

 
 
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Fiche réalisée par Dany Toubiana

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