LABORATOIRE
DE RECHERCHE

   Présentation SeFeA
   Activités
   Partenaires
   Membres
   Publications
   Projets et appels à communication


REPERTOIRE
CONTEMPORAIN

   par titre
   par auteur
   par pays
   par genre
   par thème
 
  Recherche
 
Recherche rapide
par mots-clés
  Recherche avancée
  Actualité théâtre
Tout le théâtre africain avec Africultures.com agenda, critique, festivals, articles...

  Présentation du site
  Documents et matériaux
  Bibliographie
  Contact

  Accueil
 
 


Fiche pièce
Comme des flèches



L'AUTEUR
Lamko Koulsy



Evénements à suivre
L'agenda du moment autour de la personne/l'oeuvre

 

 
 
 
       
       
       
Comme des flèches
Lamko Koulsy

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Dany TOUBIANA


  Tchad
1996
Editions Lansman, Carnières, 1996
 
Genre
Drame

Nombre de personnages
2 femmes
4 hommes


Longueur
14 scenes
37 pages


Temps et lieux
En Afrique, à notre époque

Thèmes
amour et sida en Afrique

Mots-clés
amour , griot , mort , sida
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
haut de page
 
 

Un premier repérage : La fable

La pièce se présente comme un dialogue entre le monde des morts et celui des vivants, entre Bouba mort du sida et Amina, sa dernière compagne, restée seule dans le monde des vivants. C'est une histoire d'amour tragique puisqu'elle va se terminer par la mort des amants. La pièce démarre sur le récit de cette mort. Bouba est décédé pratiquement abandonné de tous. Jeune bachelier en rupture d'études, il était mécanicien le jour et musicien-griot la nuit.
Seule et bouleversée, Amina revoit défiler, comme dans un rêve - ou un cauchemar- les temps forts de leur liaison. Elle tente d'y puiser le courage nécessaire pour rompre le silence et annoncer à son mari qu'elle aussi est malade et va mourir à son tour. L'intermédiaire entre les deux mondes sera le griot, comme un double de Bouba qui exerçait aussi cette fonction durant sa vie.
Le joueur de kora, le griot et le joueur de flûte accompagnent de leur musique ou de leurs contes cette histoire écrite et jouée dans un but éducatif.

 
haut de page
 
 

Parcours dramaturgiques

La figure dramaturgique du griot
Relégué dans un coin de la mémoire, figé dans une tradition inutile, le griot du théâtre africain contemporain, comme le fantôme, voyage entre les morts et les vivants, à la recherche d'un espace. Ayant perdu sa fonction ancestrale, il devient dans la société actuelle un élément perturbateur, et dans la pièce, il chante non plus les exploits d'un roi ou d'une famille noble mais les misères de l'Afrique d'aujourd'hui, celle des guerres, de la violence et du sida. Face à un continent qui se bâtit sur des illusions démocratiques, le griot raconte une réalité que chacun préfère ignorer.
Personnage codé de la société traditionnelle africaine, le griot se présente comme une figure théâtrale : il s'accompagne d'un instrument de musique et dans son langage fleurissent les fleurs de rhétorique et l'éloquence qui chante les louanges du roi ou de la famille qu'il sert. Koulsy Lamko, ouvre le personnage vers de nouvelles fonctions. Par un discours à la fois plus engagé et plus subversif, le griot devient porteur d'une grande modernité. La pièce se présente comme un dialogue entre le monde des morts et celui des vivants, entre Bouba et Amina,. L'intermédiaire entre les deux mondes sera le griot, comme un double de Bouba qui exerçait aussi cette fonction durant sa vie.
Dans la pièce de Koulsy Lamko, le personnage se dédouble, se conjugue au féminin, apparaît sous les traits d'autres personnages et traite la même réalité d'un point de vue multiple. Il conserve son rôle de musicien et de poète, mais a rejoint la caste inférieure dont il est issu pour raconter l'Afrique actuelle. Dans cette histoire sans gloire, le griot ne fait aucun panégyrique, il chante pour le peuple, rappelant qu'il continue malgré tout à représenter la mémoire de l'Afrique de tous les temps.
Habituellement chargé de raconter et d'embellir les exploits des grands, le griot est ici utilisé comme un chantre de l'intimité. Lui à qui l'on dictait les "souvenirs" devient celui qui se souvient et qui dévoile les non-dits et les indiscrétions. Il "grippe", en quelque sorte, la tradition pour éduquer le peuple et se mettre à son service.
Koulsy Lamko, dans sa préface se dit porteur d'une "parole - semence" qui, espère-t-il, fera "fleurir ça et là des bouquets d'espérance". Ces paroles qu'il a couchées sur le papier sont devenues celles de "comédiens-griots". Si le griot a apparemment disparu de la culture africaine, Lamko lui redonne par le théâtre un rôle plus large qu'il confie aux comédiens. Au - delà de la tradition, dans cette pièce, le griot devient un témoin de son temps: ce qu'il va chanter n'est pas la mémoire d'un autrefois mythique mais celle qui prend du recul pour raconter l'histoire immédiate. Ses mots donnent à l'angoisse et à la solitude la distance poétique nécessaire.

La parole du griot se démultiplie avec le joueur de kora, le joueur de flûte et la griote. Ils sont reconvoqués par l'auteur pour engranger les souvenirs et devenir les chantres non plus des rois mais de l'Afrique contemporaine, celle qui souffre en silence et qui meurt du sida.Tout au long de la pièce, ils vont commenter l'histoire de Bouba et Amina et les soutenir dans cet amour qui les conduira inéluctablement à la mort, une mort non seulement physique mais sociale, une mort honteuse et empreinte, pour Amina, de la culpabilité de l'adultère.

Par opposition au discours dithyrambique et complaisant dans lequel leur fonction les confine et que l'on retrouve encore dans certaines pièces, ici, au contraire, la sincérité, la vérité et la compassion sous-tendent la parole des griots. Ils conservent cependant un rôle traditionnel au théâtre, dans la mesure où leur intervention fait progresser l'action et qu'ils sont les soutiens légitimes des héros. Présences positives à leurs côtés, ils jouent un rôle médiateur important auprès du public, une fonction de catharsis communiquée par la musique et la poésie.

Dans ce jeu infini des miroirs, ils posent le théâtre comme une tension entre le visible et l'invisible, entre les corps et la vision des corps. En modernisant son rôle, en le transformant en intermédiaire à l'orée de l'univers des vivants et des morts, Koulsy Lamko subvertit la tradition africaine : il transforme le griot, personnage pris de plain-pied dans la réalité historique africaine en figure incertaine et mouvante, inscrite dans un théâtre qui glisse perpétuellement entre le réel et l'irréel, entre l'état de veille et le sommeil.

 
haut de page
 
 

Pistes de lecture

Si le fou et le fantôme se rencontrent dans la plupart des théâtres du monde, le griot est un personnage que l'on repère uniquement dans le théâtre africain. On peut retrouver son cousin, comme musicien ou conteur dans d'autres types de théâtres mais le griot avec ses caractéristiques sociales et fonctionnelles précises a des origines typiquement africaines. Géographiquement les griots se trouvent - se trouvaient devrait-on dire - en Afrique de l'Ouest plus précisément au Sénégal, en Gambie, dans le Haut-Niger, au nord de la Côte d'Ivoire et de la Guinée et au Mali.
"Réalité vivante et quotidienne des sociétés traditionnelles, membre d'une caste inférieure, le griot est généralement musicien, il s'accompagne d'un instrument traditionnel: kora, tambour ou balafon mais il a aussi une fonction de poète; conseiller des rois et des familles auxquels il offre ses services, il est souvent aussi historien et généalogiste" Son art qui le lie à la fois à la musique, à la parole voire à la danse en fait un des personnages intéressants de la littérature et du théâtre.
Utilisé pour la première fois au théâtre par les élèves soudanais de l'Ecole William Ponty dans les années 30, le griot apparaît plus tard dans les pièces historiques, un ancrage dans la tradition africaine, pour une société et un théâtre en quête d'identité. Dans le théâtre des années 80, le personnage disparaît sans doute parce que le griot traditionnel ne trouve plus sa place ni dans la culture, ni dans les institutions sociales de l'Afrique de l'Ouest.
Mais depuis, les familles de griots, même si elles n'occupent plus de fonctions sociales auprès des rois ou des nobles, semblent conquérir dans l'Afrique actuelle d'autres fonctions. Chantres de la mémoire, ils continuent de chanter ce qu'ils voient et d'inventer à leur façon poétique d'autres points de repères à l'Afrique contemporaine. Tout naturellement, donc, ils retrouvent, peu à peu, un droit de cité dans certaines pièces africaines des années 90.

 
haut de page
 
 

De plain-pied dans le texte

Lui : Je pense que c'est toi… c'est ta faute !
Elle : Ma faute ?
Lui : C'est sans doute toi qui m'as rendu malade.
Elle : Moi ? Tu ne crois pas que ça pourrait aussi venir de toi ? De toi … ou de cette femmes avec qui tu as fait l'amour avant moi ?
Lui : … Je ne sais pas. Je ne sais plus rien de rien… Peut-on être responsable de sa propre maladie ?
Elle : Soi-même ? Responsable ? Oui… Non… peut-être… Le corps est si fragile ; la chair s'impose à nous…
Lui : Il est vrai qu'elle possède sa propre volonté, toute indépendante de la nôtre.
Elle : Et on est jamais assez fort pour refuser de lui obéir. Alors, inutile de nous chamailler, même si c'est sans doute ta faute…
Lui : Ma faute ?
Elle : Oui…
Lui : Tu oublies que la maladie peut tout aussi bien venir de toi… Je veux dire de l'homme que tu as aimé avant moi.
Elle : … Tu as sans doute raison. A quoi bon chercher qui est responsable… (Plus tendrement) Allons, viens. Nous sommes UN… comme les deux aîles d'un ramier qui vole à l'assaut du vent.
(Ils se soutiennent. Sentiments mêlés : colère, impuissance et tendresse. Le joueur de flûte souligne cette étreinte d'un air à la fois triste et mélancolique.)
K.Lamko, Comme des flèches, Lansman, Carnières, 1996, pp. 15-16, scène 3.

 
haut de page
 
  Du texte à la scène…

Ce texte a été écrit dans le cadre d’une résidence d’écriture à Limoges en 1996. Une première version de ce texte a été créée en août 1996 au centre Henri Matisse de Bobo Dioulasso (Burkina Faso). Cette création avait eu lieu dans le cadre de “ Paroles Flèches ”, un volet de l’opération “ Abats Sida ” ou la bataille des artistes contre le sida, initiée par l’association Kaleido Cultures et en collaboration avec la Compagnie Paroles.

 
haut de page
 
 

Pour poursuivre le voyage


FARA C, "Une fortification contre le detsin de mourir", L'Humanité, 5 octobre 1998.
Koulsy LAMKO, Emergence difficile d'un théâtre de la participation en Afrique noire francophone", thèse de doctorat, soutenue à l'Université de Limoges, sous la direction de M. le professeur Michel Beniamino, le 3 octobre 2003.

 
haut de page
 
 
       
 

Fiche réalisée par Dany TOUBIANA

  > Imprimer