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Fiche pièce
Trois prétendants… un mari



L'AUTEUR
Oyono Mbia Guillaume



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Trois prétendants… un mari
Oyono Mbia Guillaume

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Paule Mireille NGO MBAI


  Cameroun
1963
Editions Clé, Yaoundé, 1969. réed. Press Pocket 1991
 
Genre
Comédie satirique

Nombre de personnages
5 femmes
13 hommes
Les personnages sont classés en trois catégories : la génération des grands parents, celle des parents et la jeune génération. Soit un total de 18 personnages actifs en dehors de la foule, l'aide sorcier et les musiciens qui sont complémentaires.

Longueur
5 actes


Temps et lieux
La pièce se déroule en un jour dans un village du Cameroun

Thèmes
Mariage forcé et condition des femmes en Afrique

Mots-clés
conflit de génération , escroquerie , mariage
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

La scène est à Mvoutessi, un village du Sud du Cameroun. Il s'agit d'un père de famille, Atangana, qui a envoyé sa fille Juliette au collège et il est justement question, dès le lever de rideau, de vives discussions à propos de l'éducation des filles. La famille vient de recevoir une somme de 100.000 francs de la part d'un jeune paysan désireux d'épouser Juliette, la jeune collégienne. Parallèlement, un autre prétendant est annoncé, Mbia, le grand fonctionnaire et tout tombe bien puisque la concernée rentre de son pensionnat le jour même pour passer des vacances auprès des siens.
À son arrivée, Juliette est mise au courant de la situation, sa réaction est vive et sans équivoque : pas question pour elle d'être vendue comme une chèvre. Le fonctionnaire se proclame très important et verse la somme de 200.000 francs à titre de dot, se fait établir une liste de ce que la famille réclame en sus, puis il se retire. À l'annonce de ce nouveau mariage contracté sans son consentement, Juliette se regimbe, au grand scandale de sa famille. Elle profite de l'occasion pour annoncer ses fiançailles avec Oko, un jeune lycéen. La famille ne veut "pas d'écolier" car ce dernier est incapable de résoudre leurs problèmes. Devant cette situation, les jeunes Kouma, Oko et Juliette décident de "jouer un bon tour" aux villageois.

 
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Parcours dramaturgiques

Dans cette pièce, il est question d'un père qui veut donner sa fille en mariage à tout homme riche matériellement. Cette action s'inscrit dans le code social et la tradition car ici, c'est la famille qui décide et trouve un mari à la fille.
La pièce fonctionne sur des conflits, et c'est la gestion de ces derniers qui structure la pièce et fait son originalité. La scène se déroule dans un macro espace réel, le village du dramaturge (Mvoutessi). À côté de celui-ci, deux micros espaces : la façade de la maison principale de Atangana, et la cuisine de sa femme. Espaces occupés respectivement par les hommes et les femmes, car dans cette société, la séparation des sexes est pratiquée. En effet, les femmes ne participent pas aux décisions telles que celle qui aura lieu dans la suite de la pièce.
Sur le plan temporel, le passé s'oppose au présent ; un passé nostalgique pour la génération des grands-parents qui remettent en cause ce qu'est devenue l'éducation des filles et la liberté que les hommes laissent à leurs femmes d'agir à leur gré. C'est ainsi que Abessolo dit : "de mon temps, quand j'étais encore Abessolo, et (…) que ma femme Bella était encore femme, vous croyez que j'aurais toléré des histoires pareilles ? Mais vous, vous permettez à vos femmes de manger toutes sortes d'animaux tabous ! Vous allez même jusqu'à les consulter sur ceci où cela !…Consultez une femme à propos de son mariage !" (pp. 14-15). Autrefois régnaient le respect de la gent masculine et la soumission totale de la femme. Le présent qui caractérise la situation actuelle est un temps qui marque le libertinage de la femme selon le personnage. Mais grands-parents et parents s'accordent sur le même principe : Juliette doit épouser un homme riche pour la prospérité de la famille.
À ces deux générations, va s'opposer la génération des jeunes pour qui, de telles pratiques sont désuètes et inadmissibles. Un jeu va ainsi s'installer entre ces derniers et sera remporté par les jeunes qui vont s'imposer.
Une autre dichotomie est celle des hommes et des femmes. La supériorité numérique des hommes sur les femmes a une incidence sur la prise de parole et le dialogue. Alors que les hommes sont à l'extérieur, à l'air libre, les femmes sont à la cuisine, cet enfermement est une exclusion de la cérémonie car elles sont à l'écart de tout ce qui se décide. La parole est monopolisée par les hommes qui décident de tout. Les femmes ne sont informées du déroulement de la dot qu'après le départ des prétendants.
La scène de l'argent volé est un coup de théâtre que le dramaturge choisit de mettre hors scène et qui marque pourtant le dénouement de l'action. Cette omission volontaire est l'une des originalités de la pièce. Car c'est cet argent que Juliette remet à son cousin et à son amant, lequel se fait passer pour le grand homme qui rembourse l'argent des deux premiers prétendants et épouse Juliette sans verser aucune dot.

 
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Pistes de lecture

Quelques pistes de lecture se dégagent de la pièce :
- le conflit de génération : c'est le thème de prédilection des auteurs de cette époque post coloniale. Les idées rétrogrades des vieux s'opposent à celles "modernistes" des jeunes, au contact avec les cultures européennes.
- les traditions : le village que choisit le dramaturge comme espace de l'action n'est pas un choix hasardeux. C'est le lieu où les traditions sont les plus respectées et appliquées, il faut probablement, pour le dramaturge, commencer par ce lieu pour montrer aux anciens que le monde évolue et par conséquent ces derniers doivent d'adapter au cours des choses.
- la liberation de la femme : le théâtre de Oyono Mbia prône implicitement la libération et l'émancipation de la femme camerounaise. Dans l'une ou l'autre de ses pièces, il remet le destin de la femme entre ses mains et semble lui dire que son destin dépend d'elle à travers ses deux personnages féminins Juliette et Matalina.

 
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De plain-pied dans le texte

Ondua : Ah Matalina, n'est-ce pas que Juliette elle-même revient de Dibamba aujourd'hui ?

Matalina : Oui, aujourd'hui. Elle m'a écrit qu'elle arriverait cet après-midi.

Atangana : Quelle heureuse coïncidence ! Vous savez, Ndi, le jeune cultivateur qui avait versé cent mille francs de dot pour elle arrive cet après-midi également. On m'annonce aussi que…
(Un temps) euh…enfin, un autre prétendant, un grand fonctionnaire de Sangmélima, vient me rendre visite aujourd'hui!
(Un peu emballé.) Me rendre visite à moi, vous entendez ?
(Ton confidentiel.) Là-bas, en ville, on attend longtemps avant de lui adresser seulement la parole !
(murmures d'admiration parmi les assistants.)
Bella : (fièrement)Un vrai blanc ! Ma petite Juliette va épouser un vrai blanc !…Ah Nane Ngôk !

Matalina : (qui voudrait bien être à la place de Juliette)Quelle chance ! Ma cousine est vraiment née avec une étoile sur le front ! Epouser un homme si riche ! E é é é !la veinarde ! Elle aura bientôt des tas de robes, des jupes en tergal, des perruques blondes, elle aura tout !

Ondua : (sentencieux) Ah Atangana, mon frère ! Voilà l'occasion ou jamais de te faire accorder un fusil sans les complications d'usage !

Abessolo : (très vite) Oui, ne rate pas une telle occasion ! Tu sais qu'on te fait subir de longues attentes chaque fois que tu te présentes devant les bureaux administratifs ! Maintenant que tu auras un si grand homme comme gendre, je parie que tous les fonctionnaires de Sangmélima s'empresseront de te servir ! (pp. 15-16).

 
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  Du texte à la scène…

C’est en 1959, alors qu’il est élève en classe de seconde moderne au Collège de Libamba que date le premier jet de Trois prétendants…un mari. L’histoire est basée sur un fait authentique vécu par l’auteur, et dont certaines personnes se souviennent encore dans le village de Mvoutessi et ses environs, à savoir, le mariage forcé dont avait été victime une cousine du dramaturge. Le dramaturge s’inspire de cette histoire pour écrire sa pièce. Au départ, il s’agit de raconter les aventures de sa cousine « Juliette » à ses camarades de Libamba : « je me proposais, (dit-il(, surtout de les divertir le soir, après l’étude surveillée, pour remercier ceux d’entre eux qui me faisaient mes devoirs d’algèbre et de géométrie dans l’espace ». Cette pièce naît donc d’une banale histoire de mariage dans le village du dramaturge. Car « en classe de seconde et malgré les horizons dorés que les élèves du second cycle croient souvent voir devant eux, je ne pouvais espérer aller bien loin avec une pièce pour les raisons énoncées ci-dessus. Encore moins pouvais- je espérer la voir jouer sur scène : les salles et les troupes de théâtre permanentes étaient pratiquement inconnues chez nous à l’époque ». L’histoire passe du raconté à l’écrit. Ce manuscrit qui avait fait l’objet de plusieurs lectures aussi publiques que bruyantes aux heures d’études à Libamba, avait fini par attirer l’attention d’un jeune professeur français M. Pierre Fichet. C’est à ce dernier que la pièce, diligemment tapée sur stencils et montée au sein du Collège, dut d’être révélée au grand public. La pièce est reprise par d’autres élèves, ceux des collèges privés d’Elat. Trois prétendants…un mari est l’une des pièces jouées lors de l’inauguration du Centre Culturel Français de Yaoundé en juin 1961. En 1963, la pièce fut éditée sous forme ronéotypée mais cette fois-ci reliée – et proposée au public. C’était donc là la toute première publication des Editions CLE en tant que maison d’édition. L’auteur, qui enseignait les langues vivantes au Collège Evangélique de Limbamba, fut invité en juin-juillet 1963, à participer à un cycle sur le Théâtre Noir au théâtre des Nations à Paris. Tout naturellement, il emporta dans ses bagages des exemplaires de sa pièce dont l’un, remarqué par les encadreurs du Cycle, se retrouva entre les mains du dramaturge Roger Ferdinand, alors directeur du Conservatoire National des Arts et Lettres. En hommage au jeune auteur africain, M. Roger Ferdinand lui dédia une de ses pièces, Le bonheur de Suzanne publiée dans le Nº 302 de L’avant scène de théâtre (1er janvier 1964). Il autorisa également la publication, dans le même numéro, de Trois prétendants…un mari. C’est au cours de cette même année que les Editions CLE ont publié la première édition imprimée de la pièce. La pièce est représentée plusieurs fois en France, notamment à Paris, à Nantes et à Marseille. En 1966, le comédien Ambroise Mbia qui étudiait au Conservatoire d’Art Dramatique de la rue blanche à Paris, retrouva la pièce dans L’avant scène du théâtre et décida aussitôt de la monter. Sa troupe, « Le jeune théâtre africain », en donna plusieurs représentations en France. Profitant d’un séjour à Barn Playhouse of Stony Point (USA), le dramaturge écrit la version anglaise de sa pièce qui sera publiée sous le titre Three suitors…one husband en 1968 par METHUEN and Co Ltd, Londres et sa deuxième pièce Jusqu’à nouvel avis (Until further notice) qui remporte le 1er Prix de la BBC African theater competition, concours théâtral radiophonique organisé par la BBC en 1966. En juin 1966, l’auteur avait fait jouer à l’Université de Keele (Grande Bretagne), les versions anglaises de ses deux pièces. C’était la première fois qu’une troupe presque entièrement européenne jouait, dans la même soirée, deux pièces d’un dramaturge africain écrites pour un public et des acteurs noirs. Des quotidiens d’audience nationale et internationale n’ont pas manqué de saluer l’événement (Evening Sentinel, Stoke-on- Trent n° du 23 février 1968 ; Keele concourse, 25 février 1968, The times Educational Supplement du 03 mars 1968, The Guardian du 13 février 1968). Les succès remportés par la pièce en Afrique et ailleurs ont justifié la présente édition, revue et complétée, parue aux Editions CLE en 1969. C’est celle-là qui, jointe à la version anglaise publiée à Londres avait remporté le Prix El Hadj Amadou Ahidjo en 1970. Une traduction en allemand a été publiée sous le titre Heirat im Mvoutessi, à Berlin en 1974. En 1976, les Editions CLE que dirigeait M. Gérard Markhoff, décernaient à l’auteur un livre d’or au cours d’une cérémonie solennelle tenue à Douala.

 
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Pour poursuivre le voyage


Rachel Efoua Zengue (Université de Yaoundé) parlant du niveau de langue dans les pièces de théâtre camerounais déclare au sujet de Trois prétendants…un mari : "le niveau général de la langue dans cette pièce est courant, normal, et des plus corrects qui soient, pas une seule faute de syntaxe ou de style." Elle déplore cependant le rare recours aux paraboles, le langage très fluide et explicite de la pièce alors que le spectateur s'attendrait à un discours énigmatique, voire sibyllin, des lèvres du sorcier Sanga -Titi, venu démasquer les voleurs des différentes dots de Juliette.

Jean Tabi Manga, quant à lui parle de "calques stylistiques". Il s'agit, en fait, d'exprimer un schème culturel, linguistique camerounais à travers un moule expressif français. Ce qui confère à la langue française, une couleur et une saveur exceptionnelle. Guillaume Oyono Mbia a fréquemment recours à ce genre de procédé lorsque par exemple, il fait parler le sorcier et qu'il dit au chef du village en guise de reproche : "tu n'as que deux yeux"ou qu'il le flatte - "tu es vraiment né avec la sagesse".

Plusieurs entretiens ont été réalisé avec le dramaturge :
Oyono Mbia Guillaume, Cameroon playwright, interviewed by Cosmos Pieterse, "Abbia" n° 24.
Oyono Mbia Guillaume, interviewed by Lee Nicholas in Conversations with african writers, Washington, Voice of America.
Oyono Mbia Guillaume, Trilingual playwright, in News Press Agency, Paris, n° 62.

 
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Fiche réalisée par Paule Mireille NGO MBAI

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