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Fiche pièce
Voix dans le vent (Les)



L'AUTEUR
Dadié Bernard B.



Evénements à suivre
L'agenda du moment autour de la personne/l'oeuvre

 

 
 
 
       
       
       
Voix dans le vent (Les)
Dadié Bernard B.

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Koffi Kwahulé


  Côte d'Ivoire
1969
Editions Clé, Yaoundé, 1970, rééd. Nouvelles Editions Africaines, Abidjan, 1982
 
Genre
Tragédie

Nombre de personnages
20 personnages et de nombreux figurants

Longueur
13 tableaux
133 pages


Temps et lieux
intemporel

Thèmes
Despotisme

Mots-clés
ascension sociale , chute , folie , onirisme , Pouvoir
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Nahoubou, un petit pêcheur, est l'un des souffre-douleur du macadou dictateur Nakata. Sa femme exige de lui qu'il agisse comme les autres, c'est-à-dire qu'il se mette du côté du mal pour faire fortune. Comme Nahoubou tergiverse, elle fait ses bagages et le quitte. Resté seul, Nahoubou, poussé par des voix, décide d'être le macadou le plus puissant de la terre. Pour atteindre son but, il se rend dans la montagne sacrée chez Bacoulou, le seul sorcier capable de l'aider.
Nahoubou lui fait part de sa quête, mais le vieil homme, avec des propos pleins de sagesse, tente vainement de l'en dissuader ; Nahoubou ne veut plus revivre son passé, il lui faut devenir l'homme le plus puissant de la terre pour empêcher toute atteinte à la dignité humaine. Bien que sceptique quant aux élans humanitaires de Nahoubou, Bacoulou accepte de faire de lui l'homme le plus puissant de la terre à une condition : qu'il sacrifie à ses fétiches sa mère et son frère, car les portes de la gloire s'ouvrent avec le sang le plus cher.
Nahoubou accomplit ces sacrifices humains et devient macadou à la faveur d'un coup d'état. Mais contrairement à ses intentions premières, son règne devient un long fleuve de sang.
Devant la multiplication des révoltes, le pouvoir de Nahoubou vacille. Aussi sollicite-t-il l'aide de Bacoulou, oubliant qu'il l'a déjà fait assassiner lors de l'une de ses crises de paranoïa.
La folie investit la raison de Nahoubou qui s'en prend à tout et à tous, aux rires, aux aboiements, aux coups de pilon, aux tam-tams... dont il ordonne l'arrestation. Mais les tam-tams appellent de plus en plus à la révolte. Bientôt la foule gronde. En proie à la panique, Nahoubou se saisit d'un fusil et tire mais le coup, comme ceux de ses gardes, ne part pas.
Peu à peu, les fantômes de tous ceux que Nahoubou a assassinés envahissent le palais et, malgré ses supplications, l'entraînent.

 
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Parcours dramaturgiques

Une espace psychique
En dehors de Min adja-o, les Voix dans le vent reste la seule pièce de Dadié qui commence par un espace fermé. La pièce est d'autre part la seule de Dadié qui débute par une mise en abîme, et qui plus est double, celle du temps et de l'espace.
Les deux premiers espaces après la mise en abîme (le palais), comme c'est généralement le cas chez Dadié, ne présentent aucune typologie particulière. Ainsi la "scène de spoliation" ne comporte-t-elle aucune indication sur l'espace ; on sait tout juste grâce à l'un des acolytes de Kablan qu'ils attendent Nahoubou sur "le seul chemin qui mène à la rivière". Que ce soit la cour des parents Nahoubou ("Vision de la scène d'enfance"), la cour du pêcheur Nahoubou ("Nahoubou et sa femme"), la montagne sacrée, la grotte de Bacoulou ou le palais, tout reste extrêmement stylisé, abstrait. Certes, cette démarche n'est pas le seul fait des Voix dans le vent, mais ce monde abstrait, flou, trouve ici dans l'onirisme sa parfaite expression, faisant des bêtes, des voix et des fantômes le véritable décor de la pièce. A ce propos, lors de la reprise de la pièce en 1982 au Centre Culturel Français d'Abidjan, le metteur en scène Bitty Moro poussa l'abstraction jusqu'à faire jouer certaines scènes sur le plateau nu. Pour le palais par exemple, il se contenta de quelques planches de bois d'environ 2,50m de haut et de 1m de large, sobrement décorées de motifs géométriques et disposées (trois de chaque côté du plateau) les unes derrière les autres avec environ 1,50m d'intervalle entre elles. D'autres planches du même type formaient le mur de fond. En fait, seul le trône suggérait qu'il s'agissait d'un palais. Enfin, et c'est sans doute l'un des aspects les plus intéressants à propos de l'espace dans le contexte du rêve, Dadié rappelle de temps en temps que certains éléments ne sont probablement que le "produit d'une imagination en fièvre" comme cette montagne sacrée que personne, à part Nahoubou, "n'a jamais visitée", ou cette forêt sacrée qui disparaît :
AKA : Nulle part, je n'ai trouvé trace de Bacoulou.
NAHOUBOU 1° : C'est dans la forêt sacrée qu'il fallait partir.
AKA : La forêt sacrée n'existe plus. (Tabl. XII, p.111).
Et Bacoulou a-t-il jamais existé ?
En réalité la montagne sacrée constitue le parcours intérieur et symbolique qu'entreprend le petit pêcheur Nahoubou pour atteindre la gloire, le pouvoir, le sommet ; sa rencontre avec Bacoulou dans la grotte coïncide avec sa montée sur le trône, avec aussi la mort, indissociable du pouvoir chez Dadié, que "prédit" l'espace fermé (le palais) de la mise en abîme.
Parallèlement, le temps remplit la même fonction de "prédicant" :
LE GARDE : Le temps est un peu lourd, Macadou. La saison des pluies tarde, les cauchemars assiègent les sommeils. (Tableau I, p. 9).

Du monde des rêves au monde des morts
Le lecteur-spectateur prend conscience du rêve à partir du moment où le rêve de puissance, de générosité et d'humanisme du petit pêcheur spolié, se transforme en cauchemar pour ses sujets et lui-même, juste avant le jour, un moment qui souvent coïncide avec les rêves à caractère pénible... "Les coqs chantent. Avez-vous entendu ? Les coqs ont chanté ! C'est l'heure de retourner chez vous ! La lune, votre soleil est sur le déclin. Les vivants vont reprendre possession de la scène...". C'est Nahoubou 1er qui parle ainsi aux fantômes, car de même qu'il n'y a qu'un sorcier pour reconnaître le regard d'un sorcier, de même il n'y a qu'un fantôme pour voir et parler aux fantômes. Dès le début donc nous savons que le véritable royaume de "Nahoubou 1er de la noble tribu de Kwakwaboués" sera celui des morts.
Le jour s'est levé, et nous allons tout reprendre depuis le début jusqu'à la fin, depuis le jour jusqu'à la nuit, jusqu'à cette nuit, depuis le petit chasseur, en passant par le pêcheur spolié et humilié qui rêvait de "faire de tous les jours des jours de fête, des jours d'explosion de vie, même pour les fantômes et les fantoches", jusqu'au Macadou Nahoubou 1er "le maître du tonnerre et de la foudre", tout reprendre depuis l'ouverture jusqu'à la fermeture, reprendre le rêve... normalement.
Malgré lui, contre lui, le petit pêcheur a toujours été attiré/poussé vers le pouvoir. C'est à travers le sang, celui des chats de Nakata, le précédent Macadou, que l'enfant chasseur entre pour la première fois au contact avec le pouvoir. Ces deux chats dont il était interdit d'en faire cadeau, de les manger ou de les jeter, l'enfant les tue. La pièce ne dit pas ce qu'il parviendra à en faire... Puis l'enfant chasseur devient pêcheur ("Scène de la spoliation") ; c'est ici qu'il lui est inspiré l'idée qu'il peut devenir Macadou ; sa femme l'y pousse à la scène suivante. Et puis il y a ces voix ! ces voix qu'il est seul à entendre comme plus tard il sera seul à voir les spectres.
Devant tant d'incitations, Nahoubou "le songe-creux" comme l'appelle sa femme, décide de devenir un autre homme, à moins que ce soit de poursuivre ses chimères. A partir de là, le temps va s'emballer. Au tableau suivant, le petit pêcheur est roi. Le Tableau V, qui aurait pu se subdiviser en deux parties, traduit bien cette rapidité du temps. Si à la lecture, il est facile de déceler la frontière entre ces deux parties (p. 52), à la représentation la fracture n'est pas visible entre le moment où Bacoulou dit à Nahoubou que pour devenir Macadou il faut du sang humain, et celui où Nahoubou sort et revient avec le sang des siens ; à peine sorti de la grotte Nahoubou revient avec le sang comme s'il était tombé du ciel... Et une fois le pacte scellé avec le sang des siens, sans même lever le petit doigt, Nahoubou devient, à la faveur d'un coup d'Etat, Nahoubou 1er.
De l'enfant chasseur au Macadou, les événements se sont précipités, Nahoubou a tout de même eu le temps de devenir à la fois parricide (une de ses flèches tue papa Nahoubou), matricide et fratricide, c'est-à-dire que dès la grotte de Bacoulou, Nahoubou est mort, car en "voyant" qu'il était roi, Nahoubou a devancé le temps pour voir son destin, et seule la mort justifie le destin. D'autre part, en versant les sangs de son père, de sa mère et de son frère, il a en quelque sorte tari la source matricielle et suprême de son propre sang. Aussi est-ce dans la grotte où pour la première fois il entend "les voix (des morts) dans le vent", qu'il entre dans le royaume des morts.
On comprend dès lors l'intérêt de la double mise en abîme (espace/temps). Grâce à ce procédé dramaturgique, le public à son tour va devancer et comprendre, comme le révélera plus tard Vérité, que Nahoubou est déjà mort (Tableau VIII).

La femme comme agent de tension dramatique
De ce monde de cadavres, de fantômes et de fantoches, le visage de Losy émerge pour s'imposer comme celui du courage, de l'amour et de la vie.
Nahoubou 1er n'aura pas Losy comme de son temps Thôgô-gnini échoua sur Brouba, la soeur de N'Zékou. Ce rapport ou ce non-rapport entre l'homme et la femme est l'un des traits caractéristiques du héros et de l'héroïne dadiéens. Chez Zadi et chez Koné par exemple les personnages principaux ont un "complément" : N'Douba/Essanin (Le Respect des morts), Le Prince/La Fille (De la chaire au trône), Samory/Matôgôma et Karamoko/Bintu (Les Sofas), Amani/Djédjé et monsieur et madame Sôgôma-Sangui (L'Oeil). Chez Dadié en revanche ils sont très souvent seuls : le Mani Congo n'a pas de reine, et Dona Béatrice vit seule, on ne parle pas de madame Toussaint Louverture, Papassidi est un solitaire et Assémien Déhylé se méfie des femmes. Enfin les tentatives de séduction de Thôgô-gnini et Nahoubou 1er sont vouées à l'échec. La femme chez Dadié est généralement le symbole de la justice et de la nécessaire révolte, et joue par conséquent un rôle d'accélérateur des événements. Ainsi est-ce la femme de Nahoubou qui, avant de le quitter, l'incite à devenir Macadou et Losy qui, en contrariant sa libido, le pousse à se découvrir, à montrer son vrai visage, celui du sanguinaire. Enfin ce sont les femmes qui provoquent sa chute. En fait, c'est Losy qui par son absence déclenche le cauchemar.
Elle est l'inaccessible, "l'objet" cauchemardesque par excellence. Néron aime Junie qui aime Britannicus ; Nahoubou 1er aime Losy qui aime son fiancé. A aime B qui n'aime pas A mais C ; A décide par conséquent de détruire C. L'élément cauchemardesque que recelait nécessairement la relation racinienne à l'autre, devient ici dantesque à cause ou grâce à la nature même de C. Car si Néron savait qui détruire, le fiancé de Losy reste un inconnu, sans visage, sans nom. Aussi quand Nahoubou 1er entreprend de le détruire, est-ce la guerre, une guerre frappant logiquement n'importe qui, comme jadis à Bethléhem les soldats d'Hérode à la recherche de l'enfant-dieu frappèrent de leurs glaives les gorges des Innocents, "la guerre, la guerre ! Soldats, c'est la guerre... la guerre sainte, la guerre du peuple... Toutes les guerres en une seule guerre", la guerre totale, à tout le monde à la fois.

 
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Pistes de lecture

Au même titre que Losy, l'absente, l'inaccessible, le serpent (à mettre en relation avec elle) reste l'autre "objet" cauchemardesque.
Depuis la Bible, depuis certainement bien avant, et plus récemment avec le freudisme, il est convenu d'associer le serpent et la femme. Dans cette optique on peut dire que le serpent, parce que tué chaque fois qu'il apparaît, et ce en dépit des ordres de Nahoubou 1er, est la manifestation iconique de la libido contrariée du Macadou (p. 99). Cela dit, et dans une optique autre, le serpent est le dieu protecteur de Nahoubou 1er. Plus que son double animal, il est son âme. A l'image de Nahoubou qui est à la fois pêcheur (eau) et chasseur (terre), le serpent tient à la fois de l'aquatique et du terrestre ; l'histoire de Nahoubou telle que Dadié nous la raconte, cette histoire dont la fin renvoie au début et le début à la fin comme un vieux blues, cet effet d'épanadiplose est à l'image du serpent mythique, l'arc-en-ciel surgi d'on ne sait où pour finir on ne sait où. Si Losy est l'inaccessible, le serpent, parce qu'il représente l'indifférencié primordial, est l'insaisissable, l'incontrôlé, l'angoisse. L'absence de Losy engendrait le cauchemar, la présence du serpent fait naître la tragédie. En effet, alors qu'il lui suffit de lever le petit doigt pour que les montagnes se déplacent, dès qu'il s'agit de ne pas tuer le serpent, les ordres de Nahoubou 1er sont outrepassés. Or il est conscient que chaque fois qu'un serpent est tué, c'est la fatalité, sa fatalité qui le rejoint. Une fois le serpent tué (pour la deuxième fois), son autorité sera plus nettement ébranlée. Les femmes, passe encore, on sait que "devant la passivité des hommes, devant le silence apeuré et obstiné des hommes", elles brandissent toujours l'étendard de la révolte chez Dadié ; et même si la révolte des femmes "nourrit" le cauchemar, le cauchemar pour celui qui a sacrifié mère et frère afin d'avoir la maîtrise sur la parole des autres, pour celui à l'approche de qui l'horizon même effrayé s'enfuit, le vrai cauchemar ce sont les choses, ce petit village de Napléka qui tient en échec "les troupes les plus aguerries du monde. Me tenir en échec, moi à qui la victoire et la gloire ont pour mission de sourire !", ces tam-tams et ces coups de pilons alors qu'il avait ordonné que tout se tût afin que l'écho de sa voix lui revînt pure... Enfin, comme dans un rêve où la gorge refuse d'appeler au secours alors que l'on sent l'haleine de la bête hideuse, ces fusils qui soudain refusent d'aboyer la mort, car "les fusils mêmes sont fatigués de tuer. Les flots de sang ont noyé la poudre".
Ces flots de sang, c'est notre part du cauchemar ; les moments de joie et de bonheur de Nahoubou 1er, c'est-à-dire les moments où il lit la peur dans le regard des autres, où il arrête et assassine sont vécus par le lecteur-spectateur - du moins Dadié l'espère - comme un cauchemar. Les Voix dans le vent finit par apparaître comme une trace de sang ; et le sang est le fil d'Ariane du règne de Nahoubou 1er. C'est à la trace, à l'odeur du sang que nous le suivons dans son piège "macbethien".
Le sang du père est le sang premier, le sang suprême, et parce que ce sang a été transgressé, tout sang désormais sera dérisoirement versé : "(Nahoubou résiste, une flèche (de l'enfant Nahoubou) érafle le père qui tombe)". Tout commence donc par une goutte de sang ; la source suprême a symboliquement accouché d'une source. Puis comme dans un film fantastique, la goutte de sang va enfler, grossir, monter, devenir flot et imprégner les murs :
LOSY : Les murs vont-ils toujours garder la couleur du sang ?
NAHOUBOU 1er : Je les ferai laver pour toi.
LOSY : L'air colporte l'odeur âcre du sang. (Tableau IX, p. 65).
C'est sur le sang que le poète nous fait entreprendre le voyage orphique jusqu'aux entrailles de l'Afrique, celle des famines, des arrestations arbitraires, des aveugles qui se prennent pour des guides éclairés, des messies à sauver d'eux-mêmes, des coups d'Etat qui accouchent d'autres coups d'Etat, des Sages avec leur couronne de sang, leur auréole de sang, sur leur trône de sang. Et lorsque nous nous réveillons, juste avant le jour, et que nos yeux croisent les yeux depuis longtemps sans flamme de nos rêves proscrits, nous comprenons que le cauchemar a devancé la réalité.

 
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De plain-pied dans le texte

LOSY : Dans les palais, l'amour très facilement s'enrhume, or l'amour que j'ai dans le cœur, est un amour de grand air. Il aime s'accrocher à tout ce qui vit.
NAHOUBOU 1er : Ah, si tu voulais…
LOSY : Le pourrais-je ?
NAHOUBOU 1er : Pour un Macadou, on doit tout pouvoir.
LOSY : Certainement, mais il y a encore des amours aveugles, têtus, des amours que ne peut acheter aucune fortune, que ne peut vaincre aucune infortune.
NAHOUBOU 1er : Losy ! Losy !
LOSY : Se marier, c'est unir deux destins, qui donc épouse une fortune n'est pas marié, encore moins qui épouse les honneurs.
NAHOUBOU 1er : Toi, à mes côtés, je serai plus fort qu'un troupeau de buffles en colère. Et lorsque pour toi j'aurais empli ce palais de tout l'or du monde, je dirais au gens : venez voir ce que peut faire le courage…
LOSY : Quelle fortune peut-on édifier sur la misère des autres !
NAHOUBOU 1er : Je les promènerai par les steppes fertilisées, par les rivières, par les fleuves domestiqués, l'océan amené à mon seuil et je leur dirai voilà ce peut l'intelligence.
LOSY : Quelle fortune peut-on amasser sur la faim des autres !
NAHOUBOU 1er : Femme, aie des idées plus saines sur le pouvoir. Viens à mes côtés et tu sauras ce qu'est le pouvoir. Il n'est pas dans mes habitudes de prier même les dieux. Losy ! la belle maternité qui va être la mienne : le père, la mère, l'aïeul de l'histoire. Couper dans le temps une nouvelle aurore et faire des matins des plus radieux des manteaux pour les miens, ma famille, ma tribu ! C'est mon heure, ton heure aussi Losy.
(Bernard Dadié, Les voix dans le vent, NEA, 1982, Tableau IX, pp. 68-69)

 
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  Du texte à la scène…

- Création en 1973 au Centre Culturel de Treichville par Kourouma Moussa. - Mise en scène de Bitty Moro au Centre Culturel Français d’Abidjan en 1983.

 
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Pour poursuivre le voyage


Voir Fraternité-matin du 25 janvier 1982.

 
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Fiche réalisée par Koffi Kwahulé

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