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Fiche pièce
Exilé (L')



L'AUTEUR
Zang Marcel



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Exilé (L')
Zang Marcel

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Anne-Cécile VOISIN (Université Rennes 2)


 
2002
Actes Sud, 2002
 
Genre
Drame

Nombre de personnages
6 hommes
Un personnage sans voix

Longueur
1 acte
78 pages


Temps et lieux
La fable est contemporaine et se déroule dans les bureaux de la Police des Airs et des Frontières, à l'aéroport de Roissy, Paris.

Thèmes
Altérité et quête identitaire

Mots-clés
double peine , expulsion , immigration , interrogatoire. , prison
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

Huis clos au poste de la Police des Airs et des Frontières qui met principalement en scène Imago, jeune homme d'origine africaine, sortant de prison et menacé d'expulsion, et l'inspecteur Charon, étrange policier, qui doit appliquer la loi et convaincre Imago de retourner de plein gré dans son pays. D'entrée de jeu Imago réfute pouvoir être expulsé : "C'est le territoire français qui est entré en moi et pas l'inverse, alors je vois mal comment on pourrait m'expulser." (p.11) A ce discours humaniste, s'oppose la vision européenne symbolisée par l'inspecteur Charon, qui propose alors trois possibilités à Imago. "La première… c'est de prendre sagement le prochain convoi qui s'envole pour l'Afrique dans quelques heures ; alors tout se passera bien. […] La deuxième possibilité que vous avez, c'est de retourner en prison, aux frais du contribuable et tout le temps qu'il faudra, jusqu'à ce que vous vous décidiez à assumer votre expulsion. Mais dans ce cas vu les frais et la perte de temps occasionnés, je ne peux pas vous garantir que c‘est en avion que vous rentrerez chez vous. Maintenant la troisième possibilité […] c'est de remplir et de signer ce document qui décharge l'Etat français de toute responsabilité quant à votre sécurité et où vous renoncez pour toujours à faire une demande de visa et de titre de séjours auprès des services compétents ; ensuite vous pourrez sortir d'ici librement bien entendu." (p.15-16) Imago refusant de choisir, l'inspecteur Charon retourne contre lui son calepin, une sorte de journal intime qui évoque son arrivée en France, ses relations avec son père, les femmes qu'il a rencontrées… Ainsi, l'inspecteur Charon tente de démontrer en quoi l'Afrique traverse son regard et son quotidien et combien il serait mieux là-bas que dans un pays, que finalement il n'aime pas. Un véritable duel de pensée s'installe entre les deux hommes sur des sujets politiques, philosophiques et parfois même psychanalytiques. Finalement, alors que l'inspecteur Charon parvient, avec quelques violences, à faire reconnaître ses origines à Imago, il reçoit une circulaire issue d'un nouveau décret de loi sur l'entrée et le séjour des étrangers. Ce document stipule que toute personne entrée en France avant l'âge de dix ans ne peut être expulsée. Imago étant entré à l'âge de six ans, est concerné par cette circulaire et est donc libre, laissant derrière lui l'inspecteur éreinté par cet interrogatoire.

 
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Parcours dramaturgiques

L'enfermement dehors ou les carcans de l'étranger.

Nommé où cadré par l'inspecteur Charon, Imago ne dirige pas son existence : pendant les dix premières pages, seuls les lecteurs peuvent savoir le prénom de ce personnage, jusqu'à ce qu'enfin l'inspecteur Charon le nomme : "sachez donc que vous vous appelez Imago. I-ma-go." (p.10). D'autre part on peut remarquer que les descriptions des corps participent à un certain enfermement du corps d'Imago dans sa couleur. Si la première didascalie nous présente d'abord un homme qui "porte un chapeau rond, un grand manteau sur une veste en tweed, une cravate au nœud lâche ; de longs cheveux bruns, le regard lourd, d'immenses poches sous les yeux, un pli désabusé au coin de la bouche ; il boîte. C'est l'inspecteur Charon." (p.7), elle juxtapose une description bien moins précise d'Imago : "il fait face au jeune Noir" (p.7). De la même la manière, à travers les descriptions de l'Afrique par l'inspecteur Charon, Marcel Zang nous renvoie la vision occidentale du continent Africain. Le continent est effectivement réduit à une unité culturelle archaïque, un royaume exotique. Mais Marcel Zang n'arrête pas là d'utiliser l'enfermement pour réveiller nos consciences et le prolonge par l'univers spatial qu'il nous propose. Si Marcel Zang, convoque un lieu qui donne l'illusion de huis clos, celui-ci repose sur la frontière, sur un trou qui lui permet de figurer l'entre-deux de celui que l'on veut de nulle part. Ce lieu enferme Imago dehors. Le thème de la double peine nous rapporte effectivement à ce constat. Bien que Marcel Zang ne choisisse pas de dénoncer cette loi, il nous montre tout de même, à travers ce sujet, l'impossible intégration de l'étranger en France.


Du duel à la quête partagée.

Si l'œuvre semble au départ opposer l'inspecteur Charon à la figure d'Imago, le rapport de force installé dans les dialogues de L'Exilé évolue vers la création de l'identité d'Imago. Charon, dans la mythologie grecque, est un nocher des Enfers, un passeur des morts. Il permet de traverser l'achéron, un fleuve infernal auquel il faut échapper afin de ne pas rester aux Enfers. Charon serait alors celui qui permettrait à Imago de traverser l'angoisse de son identité. D'ailleurs, Imago était le terme employé pour signifier le moulage que l'on faisait d'un mort pour se le figer dans l'éternité et ce terme, repris par la psychanalyse définit la représentation inconsciente qui régit les rapports d'un sujet à son entourage, c'est-à-dire l'image que l'on se fait de soi. A travers ce duel, Imago doit admettre ses origines et accepter son histoire afin d'être libre. Ainsi, l'inspecteur Charon semble être, au départ, le méchant policier d'un film noir, à cran d'avoir arrêter de fumer. Mais son interrogatoire bascule : Tout ce que je sais c'est que je suis passeur, passeur d'ombres, et que pour vous faire passer de l'autre côté vous devez me donner quelque chose en échange, quelque chose qui vaille la peine.[…] c'est le jeu qui veut ça, car c'est un jeu, immense jeu. Et l'immense JE le veut ainsi. JE, J., E., j'ai dit. Alors vous, ombre parmi les ombres, comprenez donc ce qu'il faut payer dans votre cas, car tous les cas sont différents, ce qu'il faut payer pour passer de l'autre côté, pour accéder à l'autre monde, en paix avec vous-même, pour vous réconcilier avec les vôtres, pour jouir et connaître, ce qu'il faut payer c'est la vérité. Plus tard Imago ne résiste plus et inverse le rapport de force, en acquiesçant aux propos tenus par l'inspecteur Charon, en acceptant ainsi qui il est véritablement, en acceptant son origine africaine.

 
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Pistes de lecture

L'Exilé, comme les autres titres des textes dramatiques de Marcel Zang, nous invite au mouvement. Ici, il s'agit d'Imago qui est exilé de son territoire, de sa langue, de sa culture. "Finalement c'est de l'Afrique dont vous êtes exilé. C'est de votre mère dont vous êtes exilé…" (p.78) Mais en fait, toute cette fable n'est peut-être qu'un exil mental, un moyen d'échapper aux carcans que l'on attribue à chacun et notamment à l'autre.

L'art pour un aller-retour dans le passé.

Avec la mise en abyme de l'auteur et de la création, par la présence du calepin, Marcel Zang nous montre à quel point la création lui semble nécessaire dans l'existence. L'art est alors le moyen de créer un mouvement propre au créateur et indispensable à la vie. Le calepin permet à l'inspecteur Charon et à Imago de procéder à quelques allers-retours avec le passé, avec l'intime. Ces rencontres avec le passé refoulé, avec les trous qui rongent permettent à Imago de ne pas balayer l'histoire, mais de rétablir la vérité. Ainsi il rencontre ses angoisses dans un autre espace, où le mensonge et les déplacements des sujets sont possibles, et peut donc revisiter la vision qu'il a de lui-même. La langue de ce calepin permet également d'apporter une part de vérité à Imago. Si ce calepin est écrit dans la langue qui lui a été imposée, celle qui a volé sa culture, et continue de l'étrangler, c'est pourtant cette langue qui permet à Imago de réimprimer ses origines dans sa vision quotidienne du monde. Ces mots lui permettent effectivement de faire transpirer ses origines. Ainsi, quand il décrit des derrières "aussi évasé qu'un chasse-mouche bamiléké." (p.50), ou qu'une "calebasse Dogon de la Falaise de Bandiagara" (p.50), c'est la langue française qui permet à Imago d'évoquer ou de reconnaître des images de son passé enfoui.


Dualité d'un voyage intérieur.

Le trou spatial, que Marcel Zang convoque, peut laisser supposer que ce déplacement, évoqué dans le titre, représente en fait un exode mental d'un seul personnage, souhaitant ainsi échapper à l'emprisonnement psychique qui lui est imposé par l'image qu'il s'est construit où celle qu'on lui renvoie. Il peut s'agir effectivement d'un voyage intérieur, qui permet à un personnage, aliéné ou immigré de créer son identité, d'opposer les deux facettes de sa personnalité, deux visions qui entrent en conflit puisqu'elles viennent de deux cultures différentes. Si les personnages de l'inspecteur Charon et d'Imago sont opposés dans leur description et leur vision, il ne le sont plus quant à la quête identitaire : mission chère pour Charon, ce à quoi il tiendrait le plus (p.81) et nécessaire pour Imago, afin qu'il soit libre. D'ailleurs, l'inspecteur Charon n'est pas sans une certaine sympathie pour Imago, et les frontières entre ces personnages semblent parfois tomber quand certains dialogues s'entremêlent. De la même façon, les deux protagonistes bousculent tous les deux la langue et les conventions. C'est effectivement une langue érotique, parfois même hérétique qui participe à la création de l'identité d'Imago. Une langue associée au corps, sexualisée, qui permet de se réapproprier ce corps différent qui nous montre depuis le début le secret refoulé par Imago.

 
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De plain-pied dans le texte

"Tenez inspecteur, je vais vous dire ; et ça vous ne le trouverez pas dans mes cahiers. Savez-vous ce que je faisais quand j'étais adolescent ? A force d'avoir ingurgité du Blanc depuis mes commencements et dans les langes, à force de les voir si puissants autour de moi, ils étaient devenus mes modèles de référence absolus. Je les trouvais beaux et il fallait à tout prix que je leur ressemble. Comme ils avaient des fesses plates et atones sous leurs riches pantalons, ce que je trouvais évidemment du dernier chic, moi… hein ? Inspecteur, devinez ce que je faisais de mes lèvres lubriques, moquées, entêtantes comme le serpent édénique, comme le fils de Caïn, Cham et de Canaan ? Hein ?! Regardez, inspecteur ! Pendant que vous vous entraîniez à muscler votre volonté et votre sexe, moi je m'exerçais à blanchir mes fesses et mes lèvres, pour les faire disparaître à jamais." (p.37).

 
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  Du texte à la scène…

L’Exilé a fait l’objet d’une lecture publique par Eriq Ebouaney, le 14 décembre 2002, au Studio-Théâtre de Nantes. Mise en espace de Michel Valmer (compagnie Théâtrale Science 89), avec le soutien de la ville de Nantes. Dans le cadre d’une journée de rencontres et débats : L’africanité en question, organisée par Paris Columbia Université, en collaboration avec « Africultures », des extraits de L’Exilé ont étés lus en présence de l’auteur le 23 décembre 2002. Marcel Zang a également participé à « Lire à Limoges », à la bibliothèque francophone Multimédia le 6 avril 2003.

 
 
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Fiche réalisée par Anne-Cécile VOISIN (Université Rennes 2)

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