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Fiche pièce
Complexe de Thénardier (Le)



L'AUTEUR
Pliya José



Evénements à suivre
L'agenda du moment autour de la personne/l'oeuvre

 

 
 
 
       
       
       
Complexe de Thénardier (Le)
Pliya José

Ces fiches sont soumises au respect de la propriété intellectuelle.
Fiche réalisée par Joelle Charvenet (Université de Paris III)


  Bénin
2001
L'Avant-Scène théâtre, collection "Les Quatre-vents", 2001
 
Genre
Drame

Nombre de personnages
2 femmes


Longueur


Temps et lieux


Thèmes
Une rescapée d’un génocide cherche à échapper à la femme qui l’a sauvée.

Mots-clés
aliénation , enfance , Esclave , génocide , guerre. , huis clos , maître
 
 

  Consultation de la fiche par rubriques
 

Un premier repérage : la fable
Résumé de la pièce

Parcours dramaturgiques
Analyse dramaturgique qui fait apparaître l'originalité de la structure et son fonctionnement général par rapport à l'espace, au temps, aux personnages, etc.

Pistes de lecture
Analyse plus philosophique et poétique, voire linguistique qui permet de dégager une interprétation et les véritables enjeux de la pièce

De plain-pied dans le texte
Un extrait

Du texte à la scène
Petite histoire de la pièce de ses conditions d'écriture à sa création en passant par les lectures dont elle a pu faire l'objet

Pour poursuivre le voyage
Extraits de presse ou d'entretien au sujet de la pièce

 
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Un premier repérage : La fable

La mère sauve Vido d'un génocide en la recueillant chez elle alors que la guerre règne dehors.
Vido devient la domestique de la maison. "J'ai voulu faire le ménage, aider à la cuisine. Ce n'était pas une vocation. C'était par accident." (Vido p. 30) Après la visite, en réel ou en rêve, d'un soldat aux cheveux bleus, qui lui annonce que la guerre est finie, Vido décide de partir et de rentrer chez elle. À l'aube, la mère rentre. Vido lui annonce qu'elle veut s'en aller. La mère refuse de la laisser partir et va user de tous les stratagèmes : bienveillance, mensonge, chantage, culpabilité, menace… " Tour à tour, vous m'avez opposé la bienveillance et le conseil, la culpabilité et le négoce. À présent la menace." (Vido p. 36), pour obliger Vido à rester. À la détermination de Vido, la mère oppose une détermination tout aussi forte, et va jusqu'à se donner la mort.

 
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Parcours dramaturgiques

La construction temporelle
Le temps de la fiction correspond au temps de la scène. D'autres temporalités interviennent avec l'évocation de scènes passées, qui vont servir de révélateurs de la relation entre les deux personnages. Les souvenirs permettent d'éclairer les personnalités de Vido et de la Mère, et accéder à certaines vérités montrant l'incompréhension entre les deux femmes. "Nous nous méconnaissons. (…) Nous avons vécu dans la même maison sans nous connaître vraiment. Côte contre côte. Deux solitudes dans le bruit des canons." (Vido p. 34)
La pièce commence par un épilogue, un long monologue de Vido, qui sert en fait de prologue et annonce ce qui va suivre. La pièce est en quelque sorte un long flash-back, constitué lui-même d'autres flash-back. Aucun suspense, nous savons dés le début la fin de l'histoire.
Les personnages se trouvent à un moment charnière, entre deux mondes, deux vies, au seuil de la porte pas encore franchie, mais déjà entrouverte. "Au coin de l'aube" (La mère p. 34), cet instant privilégié où tout est possible, la renaissance et peut-être la rédemption.
À la fin de la pièce, quelque chose s'achève, la guerre est terminée, la mère meurt et Vido s'en va. Mais cette fin n'en est pas vraiment une. Car cette fin, précède une renaissance. La pièce se termine sur une ouverture, où tout est possible. Comme pour Nicolas dans "Nègrerrances", Vido a une identité en devenir. "J'aime bien finir avec un propos ambigu, quelque chose d'ouvert" (José Pliya-Les Nouvelles Calédoniennes Avril/mai 2006)




Un théâtre universel
"Le Complexe de Thénardier existe. On a pu le rencontrer au cours du siècle dernier, dans l'Europe occupée, au Rwanda, dans l'ex-Yougoslavie… Et chez moi dans la maison de mon enfance" avertit José Pliya en exergue de son texte.
Le théâtre de José Pliya ne se veut pas enfermé dans des problématiques africaines. Au titre d'écrivain d'origine africaine, de nationalité française, il préfère "le titre d'écrivain de théâtre tout simplement" (id). Il "s'intéresse à des thématiques universelles" (José Pliya. Interview du 17/03/2004 par Vaclav Richter) Son théâtre ne se veut pas témoin d'une époque et d'un pays mais plutôt d'une humanité avec ses contradictions, ses complexités. José Pliya fouille jusqu'au fond des êtres pour en faire ressurgir toute la complexité, mais sans jamais émettre un quelconque jugement.

Un théâtre de texte
Mon rapport au théâtre était d'abord le rapport au texte, et ensuite au théâtre, j'ai envie de dire, occidental. (…) Je reste marqué par un théâtre de texte." (José Pliya. Interview du 17/03/2004 par Vaclav Richter)
Il ne se passe "rien" dans la pièce, pas d'action. Ce sont les mots qui comptent. L'action se situe dans le discours des personnages.
José Pliya utilise une langue percutante, rythmée, constituée de phrases courtes.
Il utilise la structure du dialogue dans toute sa richesse. Dans les premières pages de la pièce, nous avons entre Vido et la mère une incompréhension totale et le dialogue prend l'aspect de deux monologues. De même à certains moments, aux répliques de la mère, José Pliya oppose le silence de Vido.
C'est une sorte de dialogue de sourd auquel nous assistons, Vido dira même "Un très long monologue à peine fragmenté" (p.34)

Une structure binaire
Deux espaces : l'intérieur et l'extérieur. L'extérieur, sans être montré, est totalement présent. Il est sans cesse évoqué, tantôt par Vido comme un espace de liberté "J'étouffe. J'ai besoin de respirer pour être sûre que j'existe encore" (p. 21), ou au contraire, par la mère, comme un lieu de mort, de destruction "Si vous sortez, vous êtes morte. (…) dehors vous n'existez pas" (p. 21). Il existe un parallèle entre ces deux mondes. "La violence du dehors pénètre la violence du dedans" (Dramaturgie des errances : le cas de José Pliya par Judith Miller in Nouvelles dramaturgie d'Afrique noire francophone p.34) Quand la guerre s'arrête à l'extérieur, elle commence à l'intérieur. L'abri n'est pas forcément synonyme de paix.
Deux personnages : José Pliya utilise une forme plutôt classique de l'affrontement entre deux personnages. La construction dramatique est fondée sur la dualité des personnages, sorte de schizophrénie. Nous assistons à un renversement de situation, celle qui domine, la mère, fléchit les genoux "Et moi je n'ai plus que mes genoux pour vous supplier : ne m'abandonnez pas." (p. 46), devant celle qui était dominée, Vido, et qui va à son tour détenir le pouvoir de décision. Le bourreau devient victime, et la victime, bourreau "Vous allez être notre bourreau" (La Mère p. 27)

Huis clos.
Huis clos sartrien. Il s'agit d'un enfermement physique mais aussi psychique. Le texte est enfermé sur lui-même comme les personnages. Il forme une boucle. Le monologue de la mère à la fin de la pièce rejoint celui de Vido au début.


 
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Pistes de lecture

Le maître et l'esclave
Le maître qui ne peut plus se passer de son esclave devient d'une certaine manière l'esclave de son esclave.
Qui détient le véritable pouvoir ? Qui est le vrai maître ? Celui qui peut se passer de l'autre est libre. Vido désire la bénédiction de la mère pour partir, mais le fera quand même sans sa bénédiction. Par contre, la mère a besoin de Vido pour exister. "Je vous supplie de ne pas partir. J'ai besoin de vous. Ne me laissez pas tomber." (p.46) Elle se donne la mort quand elle se rend compte que Vido va partir. C'est aussi une façon d'essayer de la retenir. La question existentielle que pose José Pliya est proche de celle de Sartre : j'existe par rapport à l'autre.

La notion de liberté et d'enfermement
Les personnages sont en quête d'une liberté qui prend la forme de retrouvailles avec eux-mêmes. Vido veut se retrouver en retrouvant les siens, la mère pense se retrouver en enfermant Vido. "Je vous garde en consigne" (p. 37) L'abri qu'offre La Mère à Vido n'est pas la liberté. "À compter de ce jour, vous êtes en résidence surveillée. Ne touchez plus aux clés. N'approchez plus des portes. N'ouvrez plus les fenêtres, même pour secouer les miettes des nappes. Vous êtes séquestrée." (p. 37)

Les hommes et la guerre
Les hommes brillent aussi par leur absence. Le soldat aux cheveux bleus tient plus de l'ange que de l'homme, et on ne sait pas s'il existe vraiment. Igor est "faible et lâche comme tous les hommes" (La Mère p. 30) Nous ne savons pas qui est le père des enfants de la Mère, mais nous avons quand même une vague idée de ce qui a pu se passer entre elle et cet ou ces hommes "N'attendez pas des hommes ce qu'ils ne peuvent donner. Un homme ça rentre, ça sort, ça va, ça vient, mais ça ne reste pas. (…) Un homme, c'est très utile pour une nuit, pour un câlin à la rigueur. C'est à peu près tout." (p. 32)
Le monde décrit par José Pliya est noir. Il n'y a pas d'avenir possible. Même si la guerre est terminée, le monde est composé d'une "immense foule de médiocres" qui espèrent "secrètement le tout prochain conflit" car "C'est tellement commode une guerre. Toutes les horreurs sont justifiées." (p. 44) Sa pièce se termine par cette phrase répétée par la Mère "Il n'y a pas d'humanité" Il y a peu de différence entre la paix et la guerre. "Les temps de paix sont difficiles (…) Les temps de guerre sont plus faciles (…) Les temps ne changent pas" (p.49-50)

Le mensonge et le rêve
Le soldat aux cheveux bleus, est-il né d'un rêve ou d'une réalité ? Même Vido ne sait plus. "Je ne sais plus si je l'ai vu, le soldat bleu, ou bien rêvé." (p. 11) Mais c'est cette vision qui pousse Vido à partir. Elle est le point de départ de toute la pièce. On peut aussi associer l'image de ce soldat à celle des casques bleus.
José Pliya introduit la notion du caché, du paraître opposé à celle de la vérité. La relation de La Mère et de Vido est construite sur le mensonge et le non-dit. La mère ment à Vido sur la mort de ses parents et sur la fin de la guerre.Que fait la Mère dans ces expéditions nocturnes, à l'extérieur ? Dans ce besoin de donner à la maison une propreté irréprochable, d'effacer les tâches, la Mère cherche à effacer les traces des "bassesses", des "lâchetés" et des "mochetés" dont elle a fait preuve et dont elle s'accuse devant Vido (p. 42) Mais le personnage de la Mère le fait par amour :"Je suis mère. J'ai deux bouches à nourrir. Je suis seule. Je n'ai pas hésité" (P.43)

La quête de l'enfance perdue
La Mère cherche à travers Vido à retrouver son enfance perdue, comme une sorte de renouveau et même de rédemption. " Au plus crucial de l'hiver, on ouvre sa porte à une inconnue et tous les souvenirs d'enfance s'engouffrent (…) Il n'y a pas de maître, il n'y a pas d'esclave. Il y a des modes de vie ou de survie et quand on n'en peut plus de la violence de la guerre, on cherche ce qu'on peut, on prend ce qu'on trouve. Et ce qu'on trouve, c'est le vaste pays de son enfance." (La Mère - P. 49) la mère cherche à les retrouver chez Vido "Les petites mains" (La Mère - P. 49) les domestiques de son enfance. Vido est une sorte d'ange sorti de l'enfer, venu aider la mère à se retrouver, à retrouver son enfance.

 
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De plain-pied dans le texte

Vido : La guerre est terminée. C'est l'homme aux cheveux bleus qui me l'a dit et je le crois. Et si ce n'est pas vrai, je veux le croire quand même. Dans ma vie de recluse, c'est un bien bel espoir. Il me faut sortir. Voir le soleil en face. Voir les fleurs. Il me faut m'en aller.
La Mère : Je vous l'interdis. Si vous sortez, vous êtes morte. Si vous marchez, vous êtes morte. Comprenez bien : dehors vous n'existez pas. Ils ont choisi de nier toute trace de votre humanité.(…)
Vido : Et je suis cette ombre rescapée (…) que vous avez recueillie, cachée, logée, nourrie. Soyez bénie. (…) Mais je me terre dans votre hospitalité depuis trop longtemps. Je n'en peux plus. J'étouffe. J'ai besoin de respirer pour être sûre que j'existe encore.

 
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  Du texte à la scène…

Écriture et édition du texte en 2001. Lecture publique au Festival d’Avignon la même année par Catherine Hiegel (Comédie Française) et Sophie Testud. Création au Théâtre du Rond-point en novembre 2002 dans une mise en scène de Jean-Michel Ribes. En janvier-février 2005 mise en scène de Vincent Colin au Théâtre du Lucernaire, puis en novembre 2005 à Vannes, Palais des Arts et au Act French à New-York Montée par la compagnie Tandem, à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) en novembre 2005 mise en scène de Natalija Stefanovic-Frangeul.

 
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Pour poursuivre le voyage


Extraits d'articles de presse :
"José Pliya fait miroiter le dialogue jusqu'au vertige. Il ne prend pas parti, donne de bonnes et de mauvaises raisons aux deux personnages, pour laisser libre le spectateur pris au filet d'une prose imagée, rythmée et lyrique" (Gilles Costaz-Le Nouveau Politis)
"L'écriture du dramaturge français, d'origine béninoise, prend à revers les schémas établis pour explorer la complexité de l'humain, ses travers cachés comme ses douleurs enfouies." (Bruno Bouvet - La Croix)
"José Pliya a écrit un huis clos asphyxiant, envoûtant aussi par la force et la violence des mots." (Rolross - Les Infos)
"Une variation sur le rapport maître-esclave au temps du génocide écrite dans une langue dense et limpide qui fit remarquer ce jeune auteur désormais consacré" (Odile Quirot - Le Nouvel Observateur)
"La langue de José Pliya est dense, poétique, brutale et précieuse à la fois. Elle dit avec acuité et hors de toute morale le piège vertigineux de la reconnaissance, la révolte et le désir impuissants, les mouvements contradictoires et secrets d'amour et de haine mêlés qui unissent les deux femmes" (Jean-Michel Ribes)

 
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Fiche réalisée par Joelle Charvenet (Université de Paris III)

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